Tribune libre de Jacques Garello*
La crise des dettes publiques peut-elle trouver une solution dans le cadre de la Banque centrale européenne et de l’euro ? La Grèce restera-t-elle dans l’euro ?
Et, finalement, l’euro va-t-il survivre ? Sous sa forme actuelle ?
Toutes ces interrogations ont fait l’objet des rapports et débats à la Société du Mont Pèlerin qui tenait sa réunion mondiale cette semaine à Prague. Président d’une session spécialement consacrée à l’avenir de l’euro, j’ai pu conforter l’opinion que je vous ai livrée depuis des mois : tout est suspendu aux choix politiques des dirigeants européens – c’est une certitude, or il n’y a pas d’accord entre eux, de sorte que le mystère demeure entier.
En attendant, et c’est une autre certitude, l’acharnement thérapeutique pour sauver l’euro est coûteux et dangereux, et on se demande bien pourquoi des gens aussi sérieux que les Allemands et les Scandinaves continuent à accepter les débordements de Mario Draghi et les fantaisies grecques – c’est un mystère.
L’analyse économique de l’euro est sans conteste. Cette monnaie unique pour une Europe diverse n’a jamais eu aucune raison d’être.
Il fallait, suivant le vœu de Jacques Delors, casser la diversité et obliger les États membres à renoncer à leur souveraineté budgétaire et fiscale pour transférer la responsabilité d’une politique économique à une instance européenne supra-nationale. Ou bien il fallait renoncer à une monnaie unique et à une Banque Centrale.
Les gouvernements ont choisi une troisième voie, totalement incohérente : d’une part, on crée un Banque centrale européenne mais on lui interdit d’avoir la moindre initiative en matière de politique économique ; d’autre part, on maintient la souveraineté des États membres tout en leur demandant de s’engager à adopter des politiques identiques. Curieuse idée de la souveraineté, qui signifie en principe un pouvoir sans partage ! Ainsi, ont été imaginés les fameux critères de convergence. Bien entendu, la souveraineté l’a emporté sur la convergence et aucun des critères de Maastricht n’a jamais été respecté par aucun pays, à l’exception du Luxembourg. Aujourd’hui, le nouveau traité d’Union fiscale européenne veut renforcer la discipline en prévoyant des sanctions pour les pays « non convergents », mais ce traité n’a guère plus de chance d’être respecté que les précédents.
Pour l’instant, l’euro vit d’expédients. L’un est la création du Fonds européen de solidarité financière, destiné à porter secours aux États et aux banques les plus endettés. Mais il est alimenté par des cotisations d’États eux-mêmes endettés ou à la limite de l’équilibre (Allemagne comprise). L’autre est le laxisme de plus en plus accentué de la Banque centrale européenne, qui a émis une masse monétaire impressionnante, a fixé des taux d’intérêt proches de zéro et se prépare maintenant à financer le FSME ou les banques espagnoles – toutes initiatives contraires à ses statuts.
Ces expédients sont-ils suffisants pour prolonger la vie de l’euro ? Certainement pas, ils sont de nature à accentuer la crise, c’est une certitude. Mais ils permettent aux gouvernants de concevoir des solutions alternatives, autour desquelles règne encore le mystère.
Mystère quant à leur calendrier : les élections allemandes approchent, et les leaders allemands sont confrontés au désir du peuple de ne plus payer pour les insolvables.
Mystère quant au contenu. On peut retourner à un système écu, c’est-à-dire à une monnaie commune (euro comme écu dans le passé) cohabitant avec des monnaies souveraines et liée avec elles par des taux de change variables (totalement ou à l’intérieur d’une zone de fluctuation). On peut imaginer encore deux écus, liés plus ou moins étroitement (mais le mauvais écu pourrait chasser le bon, suivant la loi de Gresham : personne ne voudra de l’écu « club méditerranée »). On peut aussi imaginer un bond en avant de la « construction européenne » avec un abandon de souveraineté des États membres en matière économique – difficile à faire admettre.
Pour conclure, une certitude absolue : ce n’est pas la survie de l’euro qui permettra de sortir de la crise de la dette publique. La vraie solution est dans la réduction des États et dans la reprise de la croissance grâce à la libéralisation des entreprises et des échanges.
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
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