Mercredi les Polonais commémoraient la catastrophe aérienne du 10 avril 2010 dans laquelle le président Lech Kaczyński et sa femme ainsi que la délégation qui les accompagnait ont trouvé la mort. Plusieurs commémorations séparées avaient lieu à l’image de cette nation qui se déchire aujourd’hui autour de la question du déroulement réel de la catastrophe. En effet, à cause d’une enquête menée de manière scandaleuse et dont le caractère erroné ou carrément mensonger de certaines conclusions est aujourd’hui prouvé, de plus en plus de Polonais pensent désormais qu’il a pu s’agir d’un attentat plutôt que d’un simple accident. Si 5% environ des Polonais étaient de cet avis immédiatement après le crash, ils étaient 18% il y a encore un an et 33% aujourd’hui. Les trois quarts de la population considèrent que l’enquête des autorités polonaises et russes a été mal conduite.
Trois ans après le drame, la Russie refuse toujours de rendre à la Pologne les restes de l’épave de l’avion et les boîtes noires, et ce malgré l’intervention récente de la diplomatie européenne dont le soutien n’a été demandé que très récemment par le gouvernement polonais.
Les commémorations organisées par l’opposition ont donc pris l’allure d’une grande manifestation contre le gouvernement de Donald Tusk et les slogans utilisés pointaient du doigt non seulement la responsabilité supposée de Vladimir Poutine et de la Russie, mais surtout les responsabilités côté polonais du premier ministre Donald Tusk, du président Komorowski et des ministres qui ont été impliqués dans l’enquête, tous accusés de haute trahison ou de très graves négligences dans le meilleur des cas.
Le mouvement d’indignation grandissant en Pologne est repris à son compte par le parti chrétien-démocrate et conservateur Droit et Justice (PiS) dirigé par le frère jumeau du président défunt qui s’est exprimé mercredi devant la foule en accusant l’oligarchie politico-médiatique dominante en Pologne depuis la chute du communisme de vouloir détruire la tradition patriotique polonaise et en l’avertissant qu’elle n’y parviendrait pas et qu’elle serait vaincue.
L’exploitation politique de la tragédie de Smolensk par l’opposition et par le pouvoir, qui réagit à toutes les questions sur les doutes qui pèsent sur son enquête en criant à la théorie du complot, a jusqu’ici plutôt nui au PiS. Néanmoins, si la proportion de Polonais qui considèrent qu’il y a pu y avoir attentat continue de croître à ce rythme, Donald Tusk et son parti Plateforme civique (PO) pourraient bien finir par connaître le même sort que la coalition des socialistes et des libéraux qui a, par son incompétence, sa corruption et ses mensonges avérés, conduit à la victoire écrasante du Fidesz de Viktor Orbán en 2010 en Hongrie. Et c’est bien ce qu’espère aujourd’hui Jarosław Kaczyński. Il ne cache d’ailleurs pas qu’en cas de victoire avec une majorité absolue au parlement, ses réformes iront aussi loin et globalement dans le même sens que celles de Viktor Orbán.
Films de la commémoration de mercredi soir :
La place devant la ruelle qui mène à la cathédrale où était célébrée la messe mensuelle en mémoire des victimes de la tragédie de Smolensk :
Début de la manifestation après la messe et avant la « marche du souvenir » (fragment) :
« Marche du souvenir » qui suit la manifestation spontanée, filmée depuis un point fixe (je conseille ce film aux journalistes français qui ont parlé de « quelques milliers de manifestants » – les manifestants qu’on voit partir devant sur le film précédent sont déjà passés puisque je me trouve une centaine de mètres plus loin seulement) :
… la suite après qu’un drapeau « Solidarnosc » a fermé le clapet de ma caméra, juste le temps de le rouvrir et de remettre ma caméra en route :
De notre correspondant permanent en Pologne.
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