Tribune libre de Christian Vanneste*
La légitimité est sans doute le concept le plus important de toute philosophie politique, puisqu’il désigne ce qui fonde le droit, ce qui donne droit au droit, ce qui justifie le pouvoir. Or, on assiste aujourd’hui à une crise de légitimité qui s’épanouit en maintes occasions.
Est-il légitime qu’une majorité qui est le résultat de circonstances politiques particulières, une crise économique issue d’une crise financière d’ampleur mondiale suivie d’un crise monétaire européenne, accompagnées toutes trois d’une montée du chômage, s’attribue le droit de transgresser le principe anthropologique essentiel qui préside aux échanges matrimoniaux, l’exigence d’altérité, la nécessité des deux sexes ? Évidemment non. Elle en a le droit, apparemment, au plan de la légalité et sous réserve d’une légitimité constitutionnelle, mais c’est une question qui devrait être posée à l’ensemble des Français, tant une telle entorse à des valeurs, profondément ancrés chez beaucoup d’entre eux, par des représentants d’une partie seulement du peuple peut être ressentie comme illégitime. Mais le peuple lui-même a-t-il le droit de remettre en cause le fondement naturel du droit ? Un peuple a-t-il le droit de nier l’anthropologie ? On dira que le Président de la République s’était engagé à procéder à cette réforme, qu’elle figurait parmi ses propositions. Certes. Mais, qui ne sent l’artifice ? Cette « révolution » dans la famille ne motive qu’un petit nombre de personnes pour des raisons idéologiques, et un nombre infime de personnes homosexuelles qui la réclament. En fait, la plupart des Français qui l’approuvent sont tout simplement indifférents. L’idée grandit chaque jour que ces touches sociétales ont pour but de détourner l’attention des problèmes que le gouvernement n’a ni les moyens, ni la volonté de résoudre et encore moins les idées nécessaires pour y parvenir. Ce sont, en premier lieu, la désindustrialisation et le chômage.
“Est-il légitime qu’une majorité qui est le résultat de circonstances politiques particulières, une crise économique issue d’une crise financière d’ampleur mondiale suivie d’un crise monétaire européenne, accompagnées toutes trois d’une montée du chômage, s’attribue le droit de transgresser le principe anthropologique essentiel qui préside aux échanges matrimoniaux, l’exigence d’altérité, la nécessité des deux sexes ?”
Mais le Président lui-même offre un bien curieux paradoxe. Voilà quelqu’un qui aurait des enfants de deux lits différents sans s’être marié et qui veut instaurer le mariage pour des couples naturellement infertiles. Il aurait pour stratégie d’infliger le coup de grâce à une institution en perte de vitesse et qu’il méprise manifestement à titre personnel, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Un certain désordre est possible en haut, quand on en a les moyens. Le chaos en bas ne fait qu’accentuer la précarité et les difficultés. C’est dire combien le modèle présidentiel manque de légitimité puisqu’il n’est pas exemplaire. Le couple princier britannique donne, lui, le bon exemple, et le peuple en tire une fierté légitime. Mais notre Président va plus loin encore puisqu’il installe la non-légitimité, puisqu’il semble faire de l’absence de principe, un principe. On voit partout dans les gazettes et sur les étranges lucarnes une dame au nom germanique, qui bénéficierait de l’intimité présidentielle au point de brandir une lettre écrite par le Président en sa faveur lors d’un procès. Curieuse intervention du sommet de l’exécutif dans les débats judiciaires du TGI de Paris ! Certes, c’est M. Hollande qui signe et non François II, héritier d’un autre Président plein d’égards payés par la République pour une situation illégitime, mais quel mélange des genres alors que la Dame est, parait-il, la première de France ! Où est la légitimité dans cette confusion ? Par tradition, on honore l’épouse du Président du titre de Première Dame de France. Cela ne repose sur aucune légitimité constitutionnelle. Lorsqu’il s’agit d’une concubine dont la discrétion et la modestie ne sont pas les premières qualités, on verse carrément dans le hors-piste. À strictement parler, cette dame n’est rien d’autre qu’une citoyenne comme toutes les autres aux yeux de la République et ne devrait avoir ni charge ni droit particuliers.
Tandis que se déroulait le procès à Paris, une transaction s’achevait à New York. Elle nous rappelait qu’un homme aux moyens financiers considérables et au comportement pour le moins spécial a bien failli devenir Président de la République avec le soutien tacite de nombreux journalistes et de certains de ses adversaires fascinés par la supériorité intellectuelle du personnage. La réputation de grande intelligence est la plus haute légitimité dans notre vaniteux marécage parisien. L’ennui est qu’elle se limite souvent à la réputation et ne se retrouve pas dans les résultats. Allez comprendre ! Quant à la supériorité de DSK, par exemple, elle a quand même lourdement trempé dans la bérézina des 35 heures, et manifestement, les centres d’intérêt du bonhomme, en dehors des moyens du pouvoir, semblaient se situer dans d’autres chambres que celles du Parlement. Le masque est d’ailleurs tombé. C’est le mépris et la provocante désinvolture qui s’affichent aujourd’hui.
“Tandis que se déroulait le procès à Paris, une transaction s’achevait à New York. Elle nous rappelait qu’un homme aux moyens financiers considérables et au comportement pour le moins spécial a bien failli devenir Président de la République avec le soutien tacite de nombreux journalistes et de certains de ses adversaires fascinés par la supériorité intellectuelle du personnage.”
Pendant ce temps, trois rois mages européens, suivis par les bergers des peuples allaient non pas donner mais recevoir un Nobel dont le mérite est pour le moins douteux. Les Serbes de Bosnie et du Kossovo doivent le mesurer à son juste prix. Quand au pays qui a le plus contribué à la paix en Europe par sa résistance à l’Allemagne nazie, d’abord, et au communisme, ensuite, il était absent de cette mascarade. Cela n’a pas empêché les Eurocrates de parler anglais. Un Président du Conseil qui n’est pas élu, un autre de la Commission qui ne l’est pas davantage, et un troisième du Parlement, élu de loin et que personne ne connaît ont donc représenté l’Europe. Les attributaires étaient-ils légitimes ? Le Jury norvégien très politique, contrairement à celui de Suède qui a récompensé M. Haroche, l’était-il lui-même ? Jusques à quand les peuples vont-ils accepter ce spectacle dénué d’authenticité ? Jusques à quand vont-ils tolérer d’être conduits par des hommes politiques à la légitimité si douteuse ? La légitimité procède du droit naturel et de la volonté générale. Or, ces deux sources sont taries dans le désert spirituel de l’Europe, et particulièrement de la France d’aujourd’hui.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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