Philippe de Villiers, partisan de l’Europe des patries pour les grandes puissances uniquement ? Le Polonais Marek Jurek, député au Parlement européen élu sur la liste du parti chrétien-démocrate conservateur Droit et Justice (PiS) de Kaczyński (groupe Conservateurs et Réformistes européens), fondateur et président du petit parti de droite Droite de la République (Prawica Rzeczypospolitej) qui se distingue par ses positions pro-vie très courageuses, président de la Diète, la chambre basse du parlement polonais, en 2005-2007, sous le gouvernement de coalition mené par le PiS, ancien opposant au régime communiste, a écrit il y a une semaine cette lettre à Philippe de Villiers :
—————
Bruxelles, le 2 octobre 2014
Monsieur le Président,
Depuis plusieurs années je suis avec admiration votre activité politique et culturelle. Je suis convaincu que votre engagement en faveur de la mémoire de la guerre de Vendée est important non seulement pour votre patrie mais aussi pour toute l’Europe et le monde chrétien. Je me souviens bien de votre visite au Parlement polonais, il y a 22 ans, et de votre discours sur l’indépendance des États et sur les valeurs nationales en tant que fondements de notre civilisation et de la vie en Europe. C’est pourquoi je suis extrêmement surpris de vos récentes décisions et déclarations lors de votre visite en Crimée occupée par l’armée russe.
La Russie d’aujourd’hui est un pays post-communiste dont les dirigeants sont directement issus des milieux liés à l’ancien parti communiste et aux services secrets soviétiques. La Russie est gouvernée par une nouvelle génération de la nomenklatura soviétique et non pas par les descendants de ceux qui ont souffert pour la défense de la foi et de la tradition.
Vous savez certainement que la doctrine internationale de la Russie contemporaine est fondée sur la conviction exprimée il y a neuf ans par Vladimir Poutine selon laquelle l’effondrement de l’Union soviétique avait été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle. L’actuel président de la Russie évoque non seulement avec nostalgie l’Union soviétique, mais il reste aussi gardien de sa « tradition ». Sur la place centrale de Moscou, on continue de vénérer publiquement un des plus grands criminels de l’histoire de l’humanité, Vladimir Lénine. Un autre grand criminel, Félix Dzerjinski, est aujourd’hui le patron spirituel des services secrets russes. Conformément au langage de la propagande stalinienne, la Russie continue de considérer les anticommunistes comme des « fascistes ». Et la Russie soutient toujours les régimes communistes qui sont restés au pouvoir, de Cuba au Viêt Nam.
Le devoir moral des conservateurs et des gens de droite, c’est de lutter pour parachever les changements initiés par la chute de l’Union soviétique. C’est de défendre le droit qu’ont les nations libérées de se désoviétiser et de lier des liens avec l’Occident, de conduire une politique de décommunisation et d’écarter du pouvoir les héritiers du communisme.
Nous sommes évidemment conscients que le monde occidental vit aujourd’hui une profonde crise morale. Néanmoins, la seule voie pour surmonter cette crise morale est de rétablir le sens du bien commun dans sa dimension nationale et de renforcer la solidarité entre nos nations, et non pas de soutenir ceux qui exploitent nos faiblesses par démagogie. Les communistes savaient aussi dénoncer les vices de l’Occident libéral, tout comme ils ont su désavouer le communisme.
L’Ukraine nous montre aujourd’hui à quel point il est important pour une nation d’avoir son propre État et de se débarrasser du poids de l’héritage soviétique. La guerre qui lui a été imposée par la Russie post-communiste est une guerre pour sa liberté et son intégrité, pour protéger le caractère national du pays. Pour nous tous c’est une guerre pour une Europe plus sûre, pour une Europe de nations qui ne remettent pas en cause l’indépendance de leurs voisins et qui cultivent un esprit de coopération.
Veuillez considérer cette lettre comme la voix d’un représentant d’une nation qui a toujours une frontière commune avec la Russie et qui comprend le caractère de ce pays. J’espère que ma lettre contribuera à nourrir votre réflexion sur les changements qui se déroulent aujourd’hui dans l’est de l’Europe et sur la solidarité à laquelle les nations de l’Occident chrétien sont appelées.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma profonde considération.
Marek Jurek
Député au Parlement européen
70 Comments
Comments are closed.