Avec le soutien du premier ministre Mariano Rajoy, Alberto Ruiz-Gallardón défend l’avant-projet de loi adopté quelques jours avant Noël par le gouvernement espagnol conformément à sa promesse électorale de restreindre l’accès à l’avortement. Si la gauche espagnole, parti socialiste (PSOE) en tête, parle d’un terrible retour en arrière et promet de refuser en bloc toute remise en cause de la libéralisation de l’avortement jusqu’à la 14e semaine instaurée par le gouvernement Zapatero alors que cela n’avait pas fait partie de son programme électoral, le ministre de la Justice du Parti Populaire (PP) estime lui que son projet sera la loi la plus avancée et la plus progressiste qu’il lui aura été donné de soutenir en 30 ans de politique. Malgré quelques voix discordantes au sein du PP, et même si le premier ministre a promis que l’avant-projet de loi pouvait encore être modifié dans le cadre du débat parlementaire, Gallardón semble convaincu qu’il n’y aura pas de modification majeure puisque le projet actuel est déjà le fruit de deux ans de discussions au sein du PP et que son parti votera en bloc pour cette loi conformément à une de ses promesses électorales pour lesquelles les Espagnols lui ont donné la majorité absolue au parlement il y a deux ans.
Dans une interview accordée au quotidien conservateur La Razón le 27 décembre dernier, le ministre du PP rappelle que la loi adoptée par le PSOE en 1985, qui prévoyait la possibilité pour les femmes de se faire avorter en cas de risque grave pour la santé physique ou mentale de la femme enceinte, correspondait à l’interprétation de la constitution par la Cour constitutionnelle espagnole. Celle-ci impose d’accorder une protection à l’enfant conçu et c’est son application qui s’était détournée de cette exigence constitutionnelle avec les nombreux abus concernant l’interprétation du risque grave pour la santé mentale. Le projet de loi actuel est plus stricte en la matière puisque deux médecins sans lien aucun avec la clinique qui se chargera de l’avortement devront signer un rapport médical commun faisant état du risque grave pour la santé de la femme enceinte qui souhaiterait se faire avorter.
La loi espagnole actuelle, souligne Alberto Ruiz-Gallardón, «déshumanise complètement le drame de l’avortement, il le considère plus comme une méthode contraceptive que comme un drame terrible non seulement pour la femme mais aussi pour la société tout entière face au conflit entre deux droits méritant protection. […] Une des choses que va susciter le débat ouvert avec ce projet, c’est d’en finir avec la prétendue supériorité morale de la gauche. La gauche n’est pas progressiste quand dans une situation de conflit entre l’enfant conçu et les droits de la femme elle opte pour une dévaluation totale de la protection de l’enfant.»
«Il faut, en Espagne et ailleurs en Europe, que les humanistes défendent avec conviction les droits des personnes face au matérialisme froid et insensible qui a dans ce domaine accompagné historiquement les propositions de la gauche. […] L’avortement n’est pas un droit, l’avortement est un drame, une tragédie personnelle, en premier lieu pour l’enfant conçu privé de son droit à la vie, en second lieu pour la femme et en troisième lieu pour toute la société. On ne peut pas considérer la privation de vie comme un droit. Cela, c’est un concept matérialiste, déshumanisé […]. Un jour la gauche aura honte de son attitude déshumanisée qui prive l’enfant conçu de toute protection.»
Par ailleurs le ministre de la Justice espagnol réfute avec raison l’argument féministe selon lequel l’opposition à l’avortement serait lié à de simples convictions religieuses et aux pressions de l’Église catholique : «Il est vrai que l’Église catholique, comme l’immense majorité des religions monothéistes, défend le droit à la vie, mais ce droit n’est pas un patrimoine exclusif d’une confession quelconque. D’un point de vue éthique et sur le plan moral, et même si l’on est éloigné de toute foi religieuse, il faut défendre le droit à la vie. Ainsi, quand la gauche cherche à situer l’origine intellectuelle de ce projet dans une confession religieuse, elle se discrédite elle-même en manifestant que de son point de vue laïc à elle, elle ne considère pas le droit à la vie comme un droit fondamental de la personne humaine.»
«Cette loi nous situe à l’avant-garde du XXIe siècle. Je suis convaincu que ce sera le siècle où nous retrouverons les valeurs fondamentales comme la défense du droit à la vie. […] Je suis convaincu que cette loi va ouvrir un débat dans beaucoup de pays de l’Union européenne. J’irai à Bruxelles en février pour parler de ce projet de loi devant le Parti Populaire Européen et j’ai la conviction que nous verrons des initiatives législatives similaires dans les parlements nationaux de nombreux pays membres de l’Union.»
Une des raisons de la rage qui étouffe aujourd’hui la gauche espagnole, selon Gallardón, c’est que celle-ci semble persuadée de la supériorité morale de son idéologie et, quand c’est le PP qui est élu, elle ne supporte pas que celui-ci s’attaque à des aspects où elle considère avoir le monopole des idées, comme dans le cas de l’avortement : «Elle considère que même avec une majorité électorale nous ne pouvons pas revenir sur ses postulats, qui sont en réalité profondément dogmatiques. […] Il faut que les gens du PSOE apprennent que quand ils perdent dans les urnes, ils ne perdent pas que le pouvoir politique, ce sont aussi leurs postulats idéologiques qui sont désavoués.»
Des propos à méditer par les leaders de la «droite» française…
Oui, certaines voix se font entendre au Parti populaire contre l’avant-projet de loi adopté par le gouvernement espagnol, mais, rappelle Garzón, le parti socialiste espagnol n’est pas non plus tout à fait uni sur la question. Quand le gouvernement Zapatero a adopté la loi actuelle en 2010, certains caciques du parti ont parlé de barbarie. L’avant-projet de loi va maintenant être transmis aux parlements des régions autonomes pour leur permettre d’exprimer leur avis avant de revenir au Cortes Generales, le parlement national du royaume d’Espagne où le PP dispose de la majorité absolue.
En France, le gouvernement socialiste s’apprête à modifier la loi Veil pour supprimer la notion de femme en détresse comme condition, certes toute théorique, pour autoriser une IVG. Pour la ministre socialiste des Droits de la femme, le droit de tuer l’enfant conçu pendant les premiers mois de la grossesse, voire après en cas de défaut génétique comme la trisomie, est un droit inaliénable de la femme et l’avortement doit être considéré comme une simple intervention médicale au même titre qu’une ablation des amygdales, par exemple. Tandis que pour le Planning familial français, financé avec les impôts des Français, l’infanticide prénatal est une simple alternative à la contraception (voir ici l’interview de Danielle Gaudry, gynécologue obstétricienne et coresponsable du Planning familial, avec Robert Ménard sur Sud Radio).
Alors la manifestation des Français contre la barbarie, c’est le 19 janvier prochain à Paris lors de la Marche pour la Vie. Comme disent nos amis espagnols, l’avortement n’est pas un droit, c’est un assassinat.
12 Comments
Comments are closed.