Tribune libre d’Alain Bournazel*
La situation de la Finlande à la fin de la Seconde Guerre mondiale l’obligea à être au plan économique, et dans une certaine mesure politique, intégrée au bloc soviétique. Elle se libéra véritablement de cette tutelle lors de la dislocation de l’URSS, en 1991 ; elle s’ouvrit alors pleinement sur le monde et sur l’Europe. En 1992, elle fit acte de candidature à l’Union européenne. Consulté par référendum, en octobre 1994, le peuple confirme pleinement ce choix (Oui : 57% – Non : 43%). En 2002, la Finlande fait partie des pays de l’Union qui adoptent l’euro. Cet engagement pro-européen contraste singulièrement avec les réserves des autres pays nordiques à l’égard de l’Union européenne, la Norvège ayant refusé d’y adhérer, la Suède et le Danemark ayant refusé l’euro.
Tout en gardant sa spécificité, la Finlande a toujours pleinement appliqué les directives et les règlements de l’Union. Elle figure parmi les premiers pays à les transposer dans son droit national. Toutefois, elle ne s’est pas enfermée dans l’Union européenne. Ainsi elle maintient une importante coopération avec la Russie et les États de la Baltique. Contrairement aux anciens pays satellites de l’ex-URSS, elle n’a pas adhéré à l’OTAN. Sur le plan du fonctionnement des institutions communautaires, la Finlande reste attachée à l’égalité des États-membres et n’accepte pas le « directoire » des grands États qui aspirent à régler entre eux les problèmes de la gouvernance de l’Union.
Mais la position des Finlandais à l’égard de l’Union Européenne évolue. Les élections législatives, du 17 avril 2011, ont permis d’enregistrer une modification significative des forces politiques. Sur les neuf partis représentés au Parlement, huit sont en baisse et en particulier le Parti du centre qui perd 7% des suffrages par rapport aux élections de 2007 et le Parti social démocrate qui en perd 2,3%. En revanche, le Parti des vrais Finlandais (aujourd’hui appelé des Finlandais) enregistre un bond spectaculaire, engrangeant près de 20% des suffrages alors qu’il ne dépassait guère 4% aux précédentes élections.
Aujourd’hui, c’est la Finlande qui sonne l’alerte en ce qui concerne la crise de l’euro. Jutta Urpilainen, ministre des Finances a exprimé en des termes clairs la position de son pays au quotidien financier Kauppalehti : « La Finlande ne s’accrochera pas à l’euro à n’importe quel prix et nous sommes prêts à tous les scénarios, y compris à abandonner la monnaie commune européenne. La responsabilité collective pour les dettes et les risques des autres pays n’est pas ce à quoi nous devons nous préparer. Nous sommes constructifs et nous voulons résoudre la crise mais pas à n’importe quel prix. »
Dans la même ligne, la Finlande exige de recevoir de recevoir des « obligations sécurisées », c’est-à-dire gagées sur des actifs réels, en contrepartie des concours qu’elle apporte à la Grèce ou à l’Espagne. Elle s’oppose également à ce que le mécanisme européen de sécurité (MES) achète des obligations sur le marché secondaire. Ces prises de position ont d’autant plus de portée que la Finlande est un des rare pays de l’Union à bénéficier toujours du AAA par les agences de notation.
Alors que la plupart des gouvernements européens, de droite comme de gauche, s’enlisent avec leur lâcheté politique coutumière dans les détestables pratiques du recours à la planche à billets, la Finlande lointaine, habituée aux temps difficiles, fait entendre la voix de la dure vérité et de la raison. C’est déjà un message d’espoir.
*Alain Bournazel est président du Rassemblement pour l’Indépendance de la France (RIF) et auteur du Défi finlandais (Édition Arnaud Franel).