Euro : in, out, pre-in ?

Tribune libre de Jean-Yves Naudet*

Qui veut et qui peut rentrer dans la zone euro ? La Lettonie frappe à la porte et le Président Hollande vient de lui apporter son soutien pour une entrée au 1er janvier 2014. Mais les autres ? Veulent-ils entrer ? Peuvent-ils entrer ? La crise de la zone euro, la récession, la quasi-faillite de certains Etats ne les incitent-elles pas à attendre un peu ? En dehors de ce contexte conjoncturel, le sort de l’euro dépend aussi de la vision de l’Europe qui l’a institué. La crise de l’euro est peut-être la partie immergée de la crise de l’Europe…

17 IN, 3 OUT, 7 PRE-IN

Quelle est la situation actuelle de la zone euro ? L’Union européenne comprend aujourd’hui 27 membres (et bientôt 28, lorsque la Croatie sera entrée dans l’Union, au 1er juillet 2013). Sur les 27 membres actuels, 17 appartiennent à la zone euro (ce sont les pays « in ») dont onze depuis l’origine (1999), les autres au fur et à mesure. Dix États sont donc en dehors de la zone euro. Sur ces dix, trois sont dits « out » : la Grande-Bretagne, le Danemark et la Suède : ils avaient marqué dès le début leur refus d’adhérer à la monnaie unique et n’ont pas, du moins à horizon prévisible, vocation à y entrer.

Il reste donc sept États qui sont des « pre-in », c’est-à-dire qu’ils ont vocation à y entrer : ils sont dans une phase de transition. Sur ces sept États, seule la Lettonie semble pressée d’y entrer et cela dès le 1er janvier 2014. C’est ce que le premier ministre Valdis Dombrovskis est venu demander à Paris à François Hollande le 19 avril. Le Président français lui a donné sa bénédiction, ravi de voir qu’au moins un « pre-in » ne fuyait pas la perspective de la monnaie unique. Mais encore faudra-t-il obtenir le feu vert de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne.

Les six autres sont plus réticents. Ils attendent que la zone euro remette un peu d’ordre dans la maison, une sorte de « principe de précaution ». La Pologne reporte sa décision à 2015 et envisage un referendum qui, dans l’état actuel de l’opinion, donnerait un résultat négatif. La République tchèque est encore moins pressée et le successeur du Président Klaus, Milos Zema, après avoir critiqué l’euroscepticisme de celui-ci, parle d’une adhésion dans cinq ans au mieux. La Hongrie parle de 2018, la Roumanie vient d’annoncer qu’elle renonçait à tout calendrier et la Bulgarie également. Seule la Lituanie a marqué un petit intérêt, mais pas avant 2015 ou 2016. Bref, on ne se bouscule pas au portillon.

Solidarité forcée avec les pays laxistes ?

Pourquoi ce manque d’enthousiasme ? La crise de la zone euro, la crise de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande, de l’Espagne, de Chypre, aujourd’hui de la Slovénie, demain de l’Italie, etc. : de quoi faire réfléchir les candidats.

Tout d’abord, certains ont le sentiment que si l’euro n’existait pas, la crise n’aurait pas été si grave, car les taux de change auraient traduit les spécificités de chaque pays. Avec une monnaie unique, on a choisi ce que l’on appelle la « solidarité » qui consiste à payer pour les plus laxistes. Cela interpelle les pays candidats, qui ne sont pas les plus riches de l’Union européenne.

Ils voient comment les Slovaques, par exemple, ont payé, comme tous les autres, pour les Grecs, alors que les Slovaques sont globalement moins riches que les Grecs. Dans ces conditions, les Bulgares, par exemple, se demandent pourquoi rentrer dans l’euro, si le résultat est de soutenir des États dont la population a des salaires ou des retraites plus élevées que la leur. Ce qui leur fait peur, c’est non l’euro en soi, mais le glissement qui s’est fait vers un soutien systématique aux États ou aux banques en difficultés : pourquoi payer pour le laxisme des autres, surtout s’ils sont moins riches que vous ? D’ailleurs les Allemands se posent la même question, eux qui sont plus riches que d’autres : pourquoi les habitants d’un pays vertueux paieraient-ils pour ceux de pays plus laxistes et moins productifs ?

Mais il y a encore une deuxième raison dans ces réticences. Les pays « pre-in » voient comment évolue la zone euro : vers une centralisation de plus en plus grande et vers une harmonisation de plus en plus forte. Entrer dans l’euro, c’est accepter l’union bancaire ou le pacte budgétaire, avec la perspective de la règle d’or. Et demain ? L’harmonisation fiscale obligatoire, une politique sociale ou un SMIC unique ? Ces pays, qui ont connu le joug soviétique, se méfient de la centralisation et des politiques communes. Ne risquent-ils pas une part de leur liberté ?

Faites ce que je dis mais pas ce que je fais !

Il ne suffit pas de candidater, il faut encore être admis. Et là, on observe un véritable paradoxe. Pour entrer dans l’euro, les pays pre-in doivent respecter les cinq critères des traités européens et du pacte de stabilité, en matière de déficit public (moins de 3% du PIB), de dette (moins de 60%), d’inflation, de taux d’intérêt ou de taux de change. On leur demande de respecter des règles que les pays déjà membres ne respectent pas aujourd’hui ! Les Allemands eux-mêmes respectent la régle des 3% (déficit budgétaire), mais pas celle des 60 % (endettement). Seul le Luxembourg peut être considéré comme satisfaisant aux normes de Maastricht.

C’est le vieil adage : faites ce que je dis mais pas ce que je fais. C’est d’autant plus choquant que la BCE a l’intention de renforcer les critères d’admission dans la zone euro, concernant le système bancaire, la balance des paiements ou la compétitivité. Ainsi les nouveaux entrants seraient-ils soumis à une discipline plus sévère que celle qui est imposée aux actuels membres du club. On leur demande de faire des efforts que beaucoup de pays “in” ne font pas, et dès leur entrée dans le club on va sans doute leur demander d’aider ceux qui jusqu’à présent n’ont fait aucun sacrifice !

L’euro, pour quoi faire ?

Enfin, se pose la question de fond : l’euro, pour quoi faire ? Si Jacques Delors a lancé le plan qui a conduit à la monnaie unique, c’est parce qu’il considérait que la monnaie unique non seulement imposerait une politique monétaire unique, mais aussi à terme une politique budgétaire unique, une politique fiscale, sociale, etc. unique et donc que l’euro serait le moyen le plus rapide pour arriver à une unité économique et politique de l’Europe. C’était une logique centralisatrice, dirigiste et socialiste de l’Europe. Et même les gouvernements dits libéraux s’y sont laissés piéger en acceptant les règles communes et la solidarité avec ceux qui ne les respectaient pas.

La véritable question n’est pas l’euro ou pas l’euro, mais celle du rôle de la Banque centrale (quelle politique monétaire ?), de l’État (quel degré d’intervention, de pression fiscale, d’entreprises publiques, de régulation ?), de la politique budgétaire (équilibre ou déficit, automatique ou conjoncturelle ?). Plus que l’euro ou pas l’euro, la question qui se pose est : quelle Europe ? Europe puissance ou Europe espace ? Centralisée, dirigiste, autour de politiques communes, ou bien libérale et simple zone de libre-échange ? Au-delà de la question de la monnaie, c’est cela qui fait hésiter les anciens pays communistes, attachés, plus que nous peut-être, à la liberté économique.

*Jean-Yves Naudet est un économiste français. Il enseigne à la faculté de droit de l’Université Aix-Marseille III, dont il a été vice-président. Il travaille principalement sur les sujets liés à l’éthique économique.

> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.

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42 Comments

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  • 0 / 10
  • A. , 9 mai 2013 @ 21 h 25 min

    Désolé,
    mais ça ne fait pas de mal de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là.
    A l’époque en 1992, j’avais voté contre en me disant que ce texte n’était pas très bon et ne répondait pas à mes attentes. Le fait est que mes appréhensions ont été dépassées par la réalité dans des proportions inimaginables.
    Les gens qui ont écrit les traités européens et ceux qui les ont ratifiés ou nous les ont fait ratifiés devront un jour répondre de leurs actes.

  • Jo , 9 mai 2013 @ 21 h 29 min

    Alors nous devrons avoir un sacré sens de persuasion parce que le peuple pour le bouger il ne suffira pas du mariage gay !

  • A. , 9 mai 2013 @ 21 h 43 min

    oui et non,
    jusqu’à présent les Français ont benoitement délégué l’action politique à un Etat qu’ils croyaient être bon pour eux.
    La cure de désintoxication à la Manuelito Gaz risque de laisser des traces profondes.

  • bouvard , 10 mai 2013 @ 8 h 22 min

    l’euro ? out because ,? il nous a fait perdre notre pourvoir d’achat exemple une baguette de pain avant : 0, 80 maintenant 0,80 sauf qu’il faut multipliplier cette somme par 5, 66 on fera régime de pain , un petit noir : 1,20 sauf que maintenant il faut multiplier aussi cette somme : pas de petit noir (nous n’avons que les autres qui nous reviennent encore plus cher avec tout ce que l’on met à leur disposition…….)

  • Frédérique , 10 mai 2013 @ 9 h 50 min

    Il est tout de même évident que si nos “amis” les journaleux voulaient faire le travail pour lequel ils sont payés, l’information, ils n’auraient que l’embarras du choix parmi toutes les saloperies qu’on nous fait dans le dos, et devraient nullement avoir besoin, pour combler leurs rubriques, de racler les caniveaux à la recherche du dernier scandale genre la tête de porc jetée sur le chantier d’une mosquée ou le bal des partis nationalistes où c’est rendu Mme Le Pen.

  • westie51 , 10 mai 2013 @ 9 h 52 min
  • Jo , 10 mai 2013 @ 11 h 03 min

    Quel beau merdier !

    Cette zone euro a été maintenue grâce en partie par nos impôts et notre patrimoine nationale, nos industries, nos sociétés… qui furent vendus ! Pour permettre à tous ces copains des copains de s’enrichir un peu plus sur le dos des plus humbles et moins lotis ! De permettre aux banques, américaines en particulier, dont la Deutsche Bank, de se refaire en cédant leurs produits dérivés nocifs aux banques européennes et bientôt aux particuliers contre le détournement de leurs actifs en leur cédant des actions ou obligations qui ne vaudront rien !
    J’ai lu quelque part qu’il est question très prochainement de faire main basse sur les comptes des français comme pour Chypre dans les jours à venir !

    Sarkozy a vendu une partie de notre or à bas prix aux américains !
    Tout cela entre dans le cadre de leur nouvel ordre mondial !
    Attali déclare que nous devons avoir une monnaie internationale (et le cinéma continue) au même titre qu’une capitale mondiale : Jérusalem !

    Faire sombrer l’Euro, que personnellement je ne voulais pas, était un objectif !
    Beaucoup de pays ont amassé des euros Chine, Russie !!!
    Cela va être à cause de ces malades un désastre !

    Savez-vous que Obama a fait passer une loi martiale pour les civils en temps de paix !

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