Tribune libre de Robert Ménard*
Aurore Martin a passé les fêtes de Noël et du jour de l’an en liberté. On ne peut que s’en réjouir. Rappelez-vous, la jeune femme, militante du groupe indépendantiste Batasuna, légal en France mais interdit depuis 2003 en Espagne, avait été libérée le 22 décembre. Son arrestation en France et sa remise aux autorités de Madrid avaient été vivement critiquées au Pays basque, tant par des élus de gauche que de droite. Le Parti communiste, toujours dans la mesure, avait même parlé de « honte », évoquant un« mensonge d’État » après que François Hollande et Manuel Valls ont démenti « toute intervention gouvernementale ».
Aujourd’hui, Aurore Martin accuse. Elle se dit persuadée que « la main de Valls » et au-delà, celle du gouvernement, est derrière tout ce qui lui arrivé : « C’est une décision gouvernementale. Je veux bien croire qu’il y ait une application de juge à juge mais on ne prend pas des décisions comme cela sans mesurer les conséquences. » dénonce-t-elle.
Que ces accusations ne reposent pas sur grand-chose – racontant les conditions de son arrestation, elle en conclut : « J’ai trouvé tout ça très organisé pour quelque chose qui était fortuit » — passe encore. Mais Aurore Martin va plus loin, bien plus loin. Alors que Batasuna, bel et bien la branche politique de l’ETA, vient de décider son auto-dissolution, elle explique qu’elle « ne regrette rien » de ses actions, ni de… la lutte armée de l’ETA !
La « lutte armée de l’ETA » ? C’est plus de 800 personnes tuées, des centaines de mutilés, des dizaines d’enlèvements. Des militaires, des gardes civils, des policiers, des hommes politiques, de simples élus. Des attentats dans une cafétéria, sur le parking d’un centre commercial… et des dizaines de civils déchiquetés. Et pas seulement sous la dictature franquiste. Non, alors même que l’Espagne avait renoué avec la démocratie.
Afin de rafraîchir la mémoire de notre égérie de la cause basque, deux noms, juste deux noms. Celui d’un fonctionnaire, José Antonio Ortega Lara, enlevé en 1996. Il sera séquestré pendant 532 jours et… torturé. Celui encore de Miguel Angel Blanco, un jeune conseiller municipal, enlevé en 1997. Il sera assassiné. Des millions de personnes ont alors manifesté contre ETA. Mais Aurore Martin n’était pas née…
Tout compte fait, on va finir par regretter que cette jeune femme n’ait pas passé son réveillon derrière les barreaux. Cela lui aurait peut-être mis un peu de plomb dans la tête… C’est une image. Pour les autres, ses amis basques s’en sont chargés.
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières. Il vient de lancer le portail Boulevard Voltaire.
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