Nouvelles de France a rencontré l’évêque d’un diocèse peu ordinaire. L’évêché d’Oban, dans le nord-ouest de l’Ecosse présente en effet la particularité d’être l’un des plus petits d’Europe en nombre de fidèles (un peu plus de 10 000 catholiques) mais l’un des plus étendus en surface (31 080 km²). Mgr Toal a été nommé évêque d’Argyll et des îles (titre de l’évêque d’Oban) par Benoît XVI en octobre 2008. Il a reçu les Nouvelles de France dans sa résidence des Highlands.
Vous êtes l’évêque d’un grand diocèse dans lequel les catholiques sont peu nombreux – 14% de la population totale, comment gérez-vous cela ?
Vous savez, j’ai été auparavant prêtre dans ce diocèse donc je suis habitué à sa géographie. Ce n’est pas difficile pour moi de prendre le ferry pour rejoindre des communautés. Il y a certains endroits des Highlands qui sont restés catholiques après la Réforme protestante et la tradition y est très forte, alors je dois beaucoup voyager. Et quand je suis à Oban, deux personnes travaillent à mes côtés pour le diocèse.
Avez-vous assez de prêtres pour desservir vos paroisses ?
Nous avons justement eu l’ordination d’un prêtre il y a 2 jours. C’est la première depuis 6 ans. Nous comptons aujourd’hui 25 paroisses desservies par 21 prêtres du diocèse dont 4 ont plus de 80 ans.
Qu’en est-il des jeunes ?
Il est difficile de garder les jeunes dans les églises mais nous y travaillons. La tendance chez les catholiques est toutefois meilleure que chez les épiscopaliens. Nous devons donner envie aux jeunes d’aller à la messe, par une nouvelle évangélisation peut-être, bien que nos petites communautés soient assez traditionnelles et n’aiment pas tellement le changement.
L’identité catholique est plus forte, je pense, que l’identité protestante. En Ecosse par exemple, les prêtres ont toujours porté le col romain contrairement à ce que l’on peut voir sur le continent. Les jeunes prêtres sont d’ailleurs de plus en plus intéressés pour porter de beaux ornements. C’est pourquoi en Ecosse, il n’y a pas vraiment eu de “clash” entre libéraux et conservateurs ou progressistes et traditionalistes au sein de l’Eglise. Peut-être que dans le futur, la forme extraordinaire du rite romain sera davantage demandée même si ce n’est pas vraiment le cas pour l’instant.
Quelle est votre opinion sur cette récente instruction Universae Ecclesiae concernant l’usage de la forme extraordinaire du rit romain ?
Cette instruction maintient que les personnes qui désirent célébrer la messe selon la forme extraordinaire peuvent le faire. Il y a des jeunes qui le veulent et le Pape est généreux. Nous verrons ce qui arrivera. Je pense d’ailleurs que certains prêtres devraient être capables de célébrer la forme extraordinaire. J’ai un prêtre dans mon diocèse qui le fait et il n’y a aucun problème !
La nouvelle traduction du missel romain en anglais provoque-t-elle certaines réactions ?
Il est possible que l’introduction de la nouvelle traduction du missel romain soit difficile à accepter pour certains prêtres mais elle correspond davantage au sens littéral du latin originellement utilisé.
Est-ce une bonne chose selon vous ?
Oui. Je pense qu’il est plus sage de rester proche du texte original. Les prières sont très importantes car elles expriment la foi des fidèles. S’éloigner du texte originel pourrait être dangereux car nous nous devons de préserver l’intégrité de l’Eglise.
« Les lobbies homosexuels sont très actifs en Ecosse et il est possible que les catholiques soient persécutés à l’avenir. »
Le Pape Benoît XVI s’est rendu il y a peu en Ecosse. Comment ce voyage a-t-il été perçu ?
La visite de Benoît XVI a été très appréciée en Ecosse même si, au début, il y a eu beaucoup d’oppositions. Le Saint-Père a notamment encouragé les chrétiens à défendre leur foi en public.
Récemment, il y a eu des problèmes en Grande-Bretagne avec les agences d’adoption catholiques qui ont été contraintes de fermer car le gouvernement voulait leur imposer de délivrer des agréments aux « couples » homosexuel. Qu’est ce que cela vous inspire ?
En Ecosse, ce n’est pas exactement la même chose qu’en Angleterre. Il y a un gouvernement écossais et les catholiques peuvent ici continuer à gérer des agences d’adoption. Il faut savoir qu’il y a 19% de catholiques sur le territoire écossais. Nos hommes politiques devraient d’ailleurs prêter davantage attention aux catholiques d’Ecosse ! Auparavant, ils votaient majoritairement pour les travaillistes, pour des raisons sociales principalement. Aujourd’hui, le Scottish National Party (SNP) a grossi et a en partie conquis cet électorat qu’il souhaite conserver. Alex Salmond, le Premier ministre écossais (et chef du SNP, ndlr) est d’ailleurs favorable aux écoles catholiques.
Que pensez-vous des projets de référendum sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse ?
C’est peut-être bien d’organiser un référendum pour savoir ce que les gens pensent. Je pense cependant que le résultat d’une telle consultation populaire serait négatif car le pays pourrait s’appauvrir en cas d’indépendance…
Quel est votre avis sur la présence de l’islam en Grande Bretagne ?
Il n’y a pas beaucoup de musulmans dans les Highlands (0,9% des Écossais sont musulmans, ndlr) mais leur présence peut poser problème et il y a une peur croissante de l’islam. Comme le gouvernement britannique ne veut pas interférer, les musulmans font un peu ce qu’ils veulent ici. Et lorsqu’ils sont forts, ils défendent leurs intérêts. Il reste qu’en Ecosse, les musulmans sont plus intégrés qu’en Angleterre car ils sont moins nombreux.
Que pensez-vous de Rowan Williams et de l’infléchissement libéral de l’Eglise anglicane, notamment sur les questions sociétales ?
Rowan Williams est un homme intéressant. Quant aux anglicans, ils ont fait un choix qui va à l’encontre de la tradition chrétienne. Les catholiques, en revanche, doivent savoir suivre la volonté du Christ. Sur les questions de société, la voix des catholiques peut-être entendue, j’en suis persuadé. Sur l’homosexualité, c’est difficile car nos contradicteurs proclament qu’ils veulent des droits égaux. Au Parlement écossais, un élu qui avait partagé ses réflexions sur le sujet a été traité d’homophobe par des opposants. Les lobbies homosexuels sont très actifs et il est possible que les catholiques soient persécutés à l’avenir.
On remarque en Ecosse que beaucoup de lieux de culte chrétiens sont « à vendre » ou alors transformées en cafés, en magasins ou en hôtels. Est-ce le cas des églises catholiques ?
Après la Réforme protestante, les presbytériens ont eu beaucoup de mal a rester unis. Ainsi, beaucoup de lieux de culte ont été construits et aujourd’hui, ils en ont trop. Les églises catholiques sont plus récentes et de toute façon, il n’est pas dans nos habitudes de vendre des églises.
Quelles sont vos relations avec les protestants ?
Elles sont plutôt bonnes, même si certains presbytériens fondamentalistes refusent tout contact avec nous.
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