Le mot « populisme » continue d’être le terme par lequel l’oligarchie politique, le microcosme médiatique et culturel, et plus généralement « l’establishment » qui regroupe les milieux dirigeants de l’administration et de l’économie, tentent de culpabiliser les peuples qui osent rappeler qu’une démocratie est avant tout un système de gouvernement par le peuple et pour le peuple. Lorsque l’Est de l’Europe se composait de démocraties populaires, c’est-à-dire de dictatures du parti communiste, réduites au rôle de protectorats soviétiques, le paysage était clair. De ce côté-ci du rideau de fer, la plupart des pays, et la totalité après 1975, appartenaient au régime de la démocratie libérale. Le pluralisme des partis permettait aux électeurs de choisir leurs élus, et d’en changer en pratiquant l’alternance. Certes, la relative permanence du personnel politique, l’emploi très limité de la démocratie directe, si on excepte la Suisse, laissaient apparaître que le peuple ne jouissait pas d’un pouvoir absolu, mais chacun de ses membres avait le sentiment d’être protégé de tout arbitraire par les droits dévolus aux citoyens d’une nation dotée d’un Etat digne de ce nom.
Depuis près de trente ans, le totalitarisme marxiste s’est effondré en Russie, et les anciens satellites sont devenus des démocraties libérales. L’épouvantail a disparu, et celui qu’on tente de maintenir à travers la diabolisation outrancière de la Russie, n’est guère crédible. Désormais, la comparaison avec l’horreur ne suffit pas à rendre aveugle sur les défauts de notre système et sur leur tendance à s’amplifier. La dérive la plus grave se situe au coeur même du système : l’équilibre entre le pouvoir du peuple et l’Etat de droit est rompu. Les libertés qui étaient accordées aux citoyens et qui pouvaient leur faire accepter de ne pas vraiment détenir le pouvoir sont aujourd’hui limitées. Elles sont devenues des droits universels … mais sans réciprocité dans d’autres régions du monde. Ces « droits » l’emportent sur la volonté du peuple de s’exprimer dans les urnes et même par la parole, surtout lorsqu’elle prétend s’imposer aux étrangers et à tout porteur de différence. L’altérité est devenue une vertu. Le règne du Big Other de Jean Raspail est instauré. Le sentiment que les élections ne servent à rien, et la répression qui s’abat sur la liberté d’expression sont aujourd’hui les deux symptômes d’une véritable maladie de la démocratie, en Europe, et en France en particulier. Hier, les Européens de l’Ouest se trouvaient libres face aux régimes à parti unique. Désormais, ils sont soumis à la pensée unique, et ce sont les citoyens des anciens pays du bloc soviétique qui leur font prendre conscience de l’absurdité suicidaire de cette évolution.
L’impuissance des Etats de l’Ouest européen à endiguer l’invasion migratoire, sans le moindre souci de ses conséquences pour la sécurité et la santé de leurs citoyens, suscite d’abord un doute, puis une réprobation, devant ce qui apparaît de plus en plus comme une trahison des « élites ». Celle-ci se commet au nom de droits de l’homme qui tournent à la préférence étrangère dans la mesure où leur application porte atteinte aux droits légitimes des citoyens. Sauvegarder l’unité et l’identité d’une nation afin que l’on puisse y vivre et s’y exprimer librement, dans la limite des valeurs fondamentales qui l’animent, n’est plus considéré comme une exigence de bon sens, mais comme une dérive populiste. Chaque jour, le fossé se creuse davantage entre l’expérience personnelle des gens, et le discours convenu de la majorité de la caste politique ou des médias. La présence massive de l’islam dans certains pays européens comme le nôtre entraîne en effet deux réactions qui s’affrontent. La première consiste à dénoncer le développement d’une communauté qui s’assimile de moins en moins à la nation, qui brandit ses différences dans l’espace public jusqu’à occuper indûment celui-ci, et qui génère des comportements contraires au bien commun et à l’ordre public. Les textes fondamentaux comme l’histoire montrent que l’islam a un rapport avec la liberté, l’égalité, et la violence qui ne favorise guère le respect des valeurs occidentales. Méconnaître le lien au moins statistique entre la population de culture musulmane et la délinquance ou le terrorisme relève de la cécité idéologique. Face à cette résistance, le discours des bien-pensants va tenter avec une étrange insistance de compenser les faits par des arguments compassionnels, des exemples symboliques ou par l’apparente impartialité souveraine du droit. C’est ainsi que Melina Boughedir devient la « française », femme au foyer et fidèle, qui a suivi son époux, converti et djihadiste, jusqu’à Mossoul. On se félicite qu’elle ait échappé à la peine capitale et l’on en vient à souhaiter qu’elle purge sa peine dans « son pays ». C’est ainsi que le « héros » malien et clandestin, qui a sauvé un enfant dans des conditions spectaculaires et étonnantes, est comblé d’attentions, avec un surcroît de précipitation et de reconnaissance, de l’Elysée à la Mairie de Paris. Sans doute méritait-il des félicitations, mais celles-ci ont fait l’objet d’une discrimination positive qui suscite l’interrogation. Pourquoi , si ce n’est à titre d’argument migratoire ? C’est le même excès qui s’était manifesté prématurément en faveur de Théo, cette fois comme supposée victime d’une bavure policière. Cette partialité systématiquement défavorable aux nationaux crée des crispations bien compréhensibles. Prétendre que la réaction « populiste » qu’elles entraînent soit condamnable ressemble bel et bien à une double peine infligée aux peuples européens.