Les mêmes procureurs qui avaient démenti le 30 octobre 2012 le scoop du journal Rzeczpospolita déclaraient le 5 décembre 2012 devant les parlementaires polonais :
« Les détecteurs utilisés à Smolensk, certains d’entre eux, affichaient effectivement ‘T.N.T.’ »
Un député incrédule lui demande de bien vouloir répéter, le procureur Artymiak répond :
« Monsieur le député, en effet, sur ces détecteurs il y avait l’indication ‘T.N.T’, trinitrotoluène. ».
Son collègue assis à côté de lui, le procureur Szeląg, qui avait démenti cette information le 30 octobre 2012 en conférence de presse, confirme.
Pour rappel (voir l’article), le journal Rzeczpospolita avait dit s’être trompé après le démenti du parquet et il avait licencié l’auteur de l’article et le rédacteur en chef. Et pourtant, l’information que Nouvelles de France avait publiée le 30 octobre (voir l’article) comme d’autres médias du monde entier était vraie ! Outre le fait que cela en dit long sur le contrôle des médias par le gouvernement de Donald Tusk, avec l’accord tacite de l’Europe (voir par exemple ici), cette information renforce la thèse de l’attentat comme cause possible du crash de l’avion qui transportait le président polonais Lech Kaczyński et 95 autres personnes (y compris les chefs des trois corps d’armée).
Un film documentaire qui diffuse ces images des déclarations des procureurs devant une commission du parlement polonais est en train de rencontrer un grand succès auprès du public polonais et pourrait bien changer la donne lors des prochaines élections. Intitulé « Anatomie d’une chute » (Anatomia Upadku), ce film contient des témoignages de Russes qui ont vu le crash en direct et qui contredisent clairement la thèse officielle selon laquelle le Tupolev polonais, après avoir accroché un bouleau, se serait retourné sur le dos avant de s’écraser.
Un chauffeur de bus interrogé par l’équipe d’Anita Gargas, la journaliste du groupe médiatique conservateur Gazeta Polska (qui a aussi un site en anglais ici), passait sur la route que le Tu-154 est censé avoir survolé sur le dos, l’a vu passer tout près avec le train d’atterrissage orienté vers le sol. Un motard qui a entendu le fracas et s’est rendu sur les lieux dit avoir observé des tas de petits fragments éparpillés sur une zone bien plus étendue que ce qui est décrit dans les rapports officiels russe et polonais. Plusieurs témoins ont entendu une explosion ou vu une flamme s’échapper de l’avion avant l’impact avec le sol.
On pourrait multiplier les exemples compromettants pour les autorités russes et polonaises dans ce film documentaire, mais parmi les perles, je citerai encore l’interview du procureur militaire Zbigniew Rzepa, un des premiers enquêteurs polonais sur place l’après-midi du 10 avril 2010. Plutôt gêné, le procureur Rzepa reconnaît que ni lui ni ses collègues n’ont inspecté le site du crash car il leur aurait fallu obtenir pour cela l’accord des autorités russes, un accord qu’ils n’ont demandé et obtenu que deux ans et demi plus tard en septembre-octobre 2012 ! Une inspection finalement réalisée donc, avec le résultat que l’on sait, mais après que l’épave a été saccagée (le film « Anatomie d’une chute” contient des films amateurs tournés par des fonctionnaires russes qui montrent la destruction volontaire de l’épave quelques jours après le crash), laissée à l’air libre pendant plusieurs mois, puis mise sous un hangar de fortune après une grosse cure d’amaigrissement puisque différents fragments ont été subtilisés et vendus aux ferrailleurs du coin (ce que confirme un habitant mêlé à ce trafic, filmé avec le visage masqué) et aussi lavée avant la cérémonie de commémoration du 10 avril 2010.
Autre détail qui en dit long sur la manière dont les autorités polonaises ont mené l’enquête, c’est la façon dont le procureur Rzepa reconnaît avoir « plombé » les boîtes noires confiées au MAK (l’organisme d’enquête russe) le soir du crash pour s’assurer qu’elles seraient intactes quand il reviendrait :
Le procureur polonais : « Les bandes ont été sécurisées et plombées dans un coffre-fort. C’est moi qui les ai plombées en présence d’un représentant du MAK ».
La journaliste : « En quoi a consisté ce plombage ? »
Le procureur : « J’ai apposé un morceau de papier avec un cachet à mon nom et ma signature »
La journaliste : « Un morceau de papier ? Et qu’est-ce que vous en avez fait, vous l’avez collé sur ce coffre-fort ?
Le procureur, visiblement étonné qu’on lui pose une question aussi stupide : « Ben oui, avec de la colle. »
Pffff.
Interrogé par des journalistes étrangers invités le 24 janvier dernier à une présentation de la version sous-titrée en anglais du film (j’y étais), Antoni Macierewicz, qui préside la commission parlementaire formée par l’opposition conservatrice du PiS, le parti de Jarosław Kaczyński (frère jumeau du président défunt), déclare, à propos des implications qu’aurait la thèse de l’attentat si elle était confirmée, notamment pour ce qui est des relations de la Pologne et de ses alliés avec la Russie :
« En ce qui concerne notre commission d’enquête, nous ne nous occupons pas des éventuels motifs. Nous cherchons à établir le déroulement exact des événements qui ont conduit à la tragédie. C’est seulement quand nous aurons établi avec certitude ce qui s’est passé que nous pourrons répondre à la question de savoir s’il y a eu attentat ou au contraire si un attentat est exclu. Je me suis occupé pendant 25 ans des services spéciaux et j’ai eu l’occasion de superviser tous les types de services spéciaux qu’il y a en Pologne, civils et militaires, et je sais que les sources d’un éventuel attentat peuvent être de différentes sortes. Il serait imprudent aujourd’hui de répondre à cette question car on pourrait se tromper lourdement. »
Antoni Macierewicz a été le ministre chargé de liquider le renseignement militaire sous le gouvernement Kaczyński (2006-2007), un service qui était encore peuplé d’agents formés à l’école soviétique et qui était accusé depuis la chute du communisme d’être à la solde de l’espionnage russe et de gérer certains trafics mafieux.
De notre correspondant permanent en Pologne.
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Image : Cadre du film Anatomia Upadku d’Anita Gargas : engins russes en train de recouvrir le site du crash d’une couche de terre d’un mètre d’épaisseur et de dalles en béton. Pour y mettre de l’ordre ou pour effacer les traces ?
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