L’opposition libérale et la Commission européenne qui parlent d’État de droit bafoué en Pologne viennent de perdre leur principal argument. Cet argument consistait à prétendre que le Tribunal constitutionnel polonais avait perdu sa légitimité suite aux manœuvres du PiS. L’opposition libérale refusait notamment de reconnaître la validité de la nomination de trois juges par le PiS après sa victoire électorale d’octobre 2015. Il s’agissait de trois juges nommés en novembre 2015 par le nouveau parlement en remplacement de trois juges nommés par la majorité libérale précédente. Pour nommer des juges à l’avance, en se substituant à la future majorité, les libéraux avaient adopté à la hâte en mai-juin 2015, une loi spéciale dont la constitutionnalité posait clairement problème. Quand, du fait de ces remplacements et aussi de l’expiration du mandat (de neuf ans) d’autres juges nommés par la majorité précédente, le Tribunal constitutionnel a compté une majorité de juges nommés par le PiS, les libéraux et la Commission européenne n’ont plus voulu reconnaître la légitimité du Tribunal constitutionnel polonais.
Or, alors qu’une partie des juges contestaient eux aussi la légitimité du Tribunal constitutionnel actuel, deux hautes juridictions polonaises dont les membres n’ont pas été nommés sous la majorité actuelle viennent de reconnaître indirectement la pleine légitimité du Tribunal constitutionnel et des trois nominations litigieuses du PiS. Est-ce le fruit d’un accord passé entre la présidente de la Cour suprême et le président Andrzej Duda ? Avant l’annonce le 24 juillet par ce dernier de son veto sur deux des trois lois de réformes de l’institution judiciaire votées par le parlement en juillet, celui-ci avait rencontré la présidente de la Cour suprême. Le 1er août, celle-ci décidait de suspendre sa procédure de cassation concernant l’ancien chef du bureau anti-corruption (CBA), aujourd’hui chef du renseignement, condamné en première instance et gracié par le président Duda. La Cour suprême avait considéré en mai que cette grâce n’était pas valable puisque la condamnation du chef du CBA n’avait pas encore force de chose jugée au moment de la grâce présidentielle. En renvoyant le 1er août la question devant le Tribunal constitutionnel, la Cour suprême a clairement reconnu la légitimité de ce dernier pour interpréter la constitution.
Le deuxième coup dur pour l’opposition et pour Bruxelles est venu cette première semaine d’août du Tribunal supérieur administratif (NSA) qui, en réponse à la question d’un journal spécialisé dans les questions juridiques, a précisé le statut d’un de ses juges faisant partie des trois juges litigieux du Tribunal constitutionnel nommés à l’avance par la majorité parlementaire précédente et remplacés par la majorité actuelle. Ce juge a été réintégré par le NSA alors que la constitution interdit aux juges du tribunal constitutionnel d’exercer dans un autre tribunal. Dans sa réponse, le NSA reconnaît explicitement la validité de la résolution du parlement polonais qui a invalidé la nomination de ce juge au Tribunal constitutionnel, ce qui revient à reconnaître la validité de toutes les nominations opérées par le PiS.
Puisque la Pologne a un Tribunal constitutionnel qui fonctionne et dont la légitimité est reconnue en toute indépendance par les plus hautes juridictions du pays, la Commission européenne perd son seul argument, déjà fallacieux, pour s’ingérer dans les affaires intérieures de cet État souverain.
(Article publié originellement dans le journal Présent du 5 août 2017)
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