Tribune libre de Paul Goldschmidt*
Le Rapport de Larosière de février 2009, suivi des Directives européennes qui en ont traduit les éléments essentiels dans la législation communautaire, avait mis en exergue le rôle assigné au CERS. La débâcle consécutive à la faillite de Lehman, dont les effets systémiques ont été très largement sous-estimés lors des évènements, a révélé un manque flagrant d’analyse et de coordination dans la prévention des crises. Le CERS était sensé avertir en temps utile les autorités (Conseil Européen, Parlement et Commission et les trois nouvelles Autorités de marché) des risques systémiques latents et proposer des remèdes – non contraignants – sur lesquels elles devaient agir ou, à défaut, en expliquer les raisons.
Or, depuis la mise en place du CERS, le moins que l’on puisse dire est que la crise bancaire et celle de la dette souveraine au sein de l’Eurozone ont acquis un caractère systémique incontestable. Les récents appels de la Commission pour la création d’une « union bancaire », du Président de la BCE pour des initiatives « politiques » destinées à doter l’UE/UEM de moyens crédibles pour rétablir la confiance ou encore l’avertissement du Commissaire Ollie Rehn sur les risques d’une implosion de l’Eurozone ainsi que les craintes de « contagion » exprimées par les experts et les marchés en sont autant de preuves irréfutables.
Ne faut-il pas s’étonner, dès lors, du silence du CERS ; serait-ce malheureusement la preuve que sa structure viciée est la cause de son apparente paralysie? Le mutisme du Parlement Européen, sensé être tenu informé de ses travaux, est aussi surprenant. A cet égard, je me permets de renvoyer à deux textes analytiques publiés en mars 2009 et en juin 2009 (en anglais) dans lesquels je soulignais déjà les faiblesses des propositions de Larosière et de la Commission. Elles me semblent au contraire n’avoir rien perdu de leur pertinence, si l’on en juge par la teneur des propositions maintenant mises en avant tant par la Commission que par de nombreux experts financiers et politiques.
Pour l’essentiel, je soulignais le manque d’ambition des propositions qui privilégiaient le maintien de l’essentiel des pouvoirs de réglementation/supervision au niveau national, option jugée aujourd’hui totalement inadéquate. Je faisais également remarquer la structure biaisée du CERS, dominé par les banquiers centraux (avec une majorité structurelle des pays de l’Eurozone), ce qui était de nature à créer des conflits d’intérêt parmi ses Membres et privait le Conseil des avis de représentants d’autres secteurs concernés. On peut donc comprendre la difficulté de la position du Président Draghi qui, tout en étant un acteur central de la crise, doit aussi présider le CERS et formuler des « recommandations » qui pourraient être en contradiction avec la politique monétaire de la BCE. Enfin, je concluais qu’il était important que nos responsables politiques et les citoyens soient informés des choix auxquels l’Europe est confrontée de façon à ce que personne ne puisse s’abriter – lors d’une crise ultérieure – derrière l’autorité incontestable des auteurs du Rapport de Larosière.
Dans le contexte actuel, il est fondamental de réaliser l’impossibilité structurelle pour le CERS de remplir son mandat tel qu’il a été défini. Il est donc nécessaire de le réformer en profondeur en s’inspirant de la structure de l’organisme similaire instauré par les Etats-Unis dans la foulée de la crise financière de 2008.
*Paul Goldschmidt est ancien administrateur de Goldman Sachs International et ancien directeur à la Commission européenne, membre de l’Advisory Board de l’Institut Thomas More.
Le site de l’Institut Thomas More.