C’est la revue Gestion de Fortune qui a soulevé le lièvre. Lisez les pages 57 et les trois suivantes du Rapport sur la situation des finances publiques, elles valent leur pesant d’or, au sens propre du terme, puisqu’elles « pèsent » 9 milliards d’euros ! La Cour des comptes évoque dans le détail le coût de deux contentieux fiscaux que notre pays a avec l’Europe.
Le premier contentieux concerne le précompte mobilier.
Jusqu’à 2004, les sociétés bénéficiaient d’un avoir fiscal quand elles percevaient des dividendes déjà soumis à l’impôt sur les sociétés et payaient un précompte quand elles reversaient des dividendes qui n’avaient pas été soumis à l’IS, notamment ceux qui relevaient du régime « mère-fille ». Cependant, les dividendes reçus de sociétés exerçant dans des pays membres de l’Union européenne ne donnaient pas droit à avoir fiscal alors que la redistribution de dividendes reçus de filiales européennes donnait lieu à un « précompte ». Ces deux mécanismes ont été supprimés en 2005. De nombreux recours contentieux visant l’obtention d’un avoir fiscal ou le remboursement du précompte ont été introduits pour la période antérieure. Considérant que ce régime introduisait une discrimination entre les sociétés, selon leur lieu de résidence, et faisait obstacle à la libre circulation des capitaux, la Cour de justice de l’Union européenne a donné tort à la France en septembre 2011, en réponse à une saisine du Conseil d’État. Le coût de ce contentieux s’élèverait aux alentours de 4,2 milliards d’euros, dont 3,1 milliards restent à payer en 2013. Nous apprenons d’ailleurs au passage que la charge n’a pu être constatée, donc inscrite, puisque les recours et derniers jugements ne sont pas rendus, mais que l’État a tout de même réglé par avance plus d’1,1 milliard d’euros (quand on pense à tous les débiteurs de l’État qui attendent des lustres pour être réglés…).
Le second contentieux concerne les OPCVM.
Alors que les OPCVM français ne payent pas d’impôt sur les dividendes reçus et redistribués (principe de transparence fiscale), les dividendes payés par des sociétés résidentes à des OPCVM étrangers sont assujettis, sous réserve des conventions internationales, à une retenue à la source de 25% qui rapporte 0,8 milliard d’euros par an. La Cour de justice de l’Union européenne a fait droit, le 10 mai 2012, à la demande de restitution de ce prélèvement par des OPCVM européens. Son arrêt dit que ce régime est contraire au traité et rejette la demande de la France de limitation dans le temps des effets du jugement. L’enjeu des réclamations s’élève à 4,2 milliards d’euros pour les réclamations déjà déposées et pourrait atteindre 5 milliards selon la Direction générale des finances publiques, la Cour de justice ayant permis de les déposer jusqu’au 31 décembre 2014. Les procédures en cours devant le tribunal administratif compétent ont repris et pourraient aboutir d’ici la fin de l’année 2012. Les remboursements pourraient alors atteindre 1,5 milliard d’euros dès 2012. Les autres dossiers (3,5 milliards d’euros) seront sans doute traités en 2013 et les décaissements étalés sur 2013 (probablement 1,75 milliard) et 2014 (1,75 milliard). Nous apprenons par la même occasion que bien que condamnée, l’administration continue de prélever cette retenue à la source, sachant pertinemment qu’il lui faudra rembourser avec intérêts et pénalités ! Outre les 5 milliards d’euros à sortir, cette condamnation de la France lui coûtera dès l’année prochaine un manque à gagner de 800 millions d’euros, car il lui faudra bien finir par arrêter de percevoir une taxe illégale. Le budget 2013 commence donc par un manque à percevoir de 800 millions et des à valoir de 4,85 milliards en 2013 et 1,75 milliard (au bas mot) en 2014.
Y’a d’la rigueur dans l’air ! J’mets mon budget de travers…
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