Tribune libre de Jacques Garello*
La chanson veut que nous serons les plus riches du monde. La croissance, c’est comme la pluie. Les incantations à la croissance ont quelque chose de magique. À Camp Davis, elles ont été au cœur du discours du nouveau Président français, mais aussi des résolutions du G8. « Il ne peut y avoir de croissance sans confiance, il ne peut y avoir de confiance sans croissance », a dit François Hollande avec conviction. Barak Obama souhaite également que l’Europe retrouve la croissance au plus tôt.
Le problème, c’est que nul n’explique comment on obtient de la croissance. Les chants désespérés sont les chants les plus beaux, et appeler de ses vœux la croissance c’est comme pour un malade souhaiter la guérison. La croissance est un résultat, ce n’est pas un moyen.
Reste donc à trouver les chemins de la croissance.
Qui fait la pluie et le beau temps ? Les gens du sommet du G8, à peu d’exceptions près, sont persuadés qu’ils sont les maîtres de la conjoncture. Le grand sorcier de l’économie, Keynes, les a persuadés qu’ils disposent de deux baguettes magiques, capables de transformer la dépression en prospérité : la baguette budgétaire et la baguette monétaire. Les deux peuvent d’ailleurs s’articuler : un déficit budgétaire se finance facilement avec une émission de monnaie ex nihilo et l’inflation qui l’accompagnera tôt ou tard.
La croissance ne se décrète pas, les gouvernants ne sont pas des magiciens, ce sont plutôt des « enrayeurs »
Le président Obama s’est particulièrement illustré dans cette politique « volontariste », qui force la croissance à apparaître : sa politique de « stimulus » a porté le déficit budgétaire à des sommets, puisqu’en 2010 la moitié des dépenses de l’État fédéral n’était pas couverte par des recettes ! Notre président Sarkozy, à la tête du G20, a contribué à généraliser la méthode. Le bilan est aujourd’hui sans appel : non seulement la croissance n’a pas redémarré (surtout en Europe) mais la dette publique a soudainement explosé. Ils croyaient faire la pluie, ils ont fait tomber la grêle. Que François Hollande aille dans le même sens n’est pas surprenant : depuis Léon Blum et la « politique du pouvoir d’achat », les socialistes sont persuadés que c’est en jetant l’argent par les fenêtres qu’on amasse des magots.
Une fois de plus, les libéraux ne cessent de le répéter : la croissance ne se décrète pas, les gouvernants ne sont pas des magiciens, ce sont plutôt des « enrayeurs ».
Moins ils s’occuperont de croissance, moins il y en aura. En matière d’économie, les réformes libérales ne consistent pas à changer de politique, mais à supprimer la politique. « L’État n’est pas la solution, c’est le problème », disait Reagan dont les réformes ont valu vingt ans de croissance ininterrompue à son pays.
François Hollande se réfère à la confiance. Il a raison. Mais la confiance ne vient pas des discours volontaristes et prétentieux. Pour qu’il y ait confiance, il faut commencer par faire confiance aux gens. La grande majorité des Français sait mieux que des ministres de gauche ou de droite ce qu’il faut faire pour s’en sortir, ils sont mieux placés que les énarques pour régler leurs problèmes personnels. Mais il y a un double problème : d’une part, certains malins, ou inconscients, comptent bien continuer à vivre de l’État, aux dépens de tous les autres ; d’autre part, l’État ne fait confiance à personne car il a la main mise sur tous les actes de la vie économique.
Pour que les Français aient à nouveau confiance, il faut les libérer des chaînes administratives, fiscales, sociales, financières dans lesquelles ils sont enfermés. Alors ils pourront enfin se dire qu’ils travaillent, qu’ils épargnent et qu’ils entreprennent dans leur propre intérêt, et non pas en vue d’un « intérêt général » toujours invoqué et jamais identifié – ce qui permet de justifier n’importe quoi, notamment au nom de la « justice », le mot creux par excellence qui est au cœur des discours socialistes.
En matière d’économie, les réformes libérales ne consistent pas à changer de politique, mais à supprimer la politique.
Mais quelles sont les intentions affichées par le nouveau pouvoir ? Réglementer : encadrer les loyers, bloquer les prix. Ponctionner : les hauts revenus, les « grandes fortunes », mais aussi tous les consommateurs avec la hausse de la TVA et bientôt des cotisations sociales. Privilégier : les syndicats, alliés naturels et artisans des luttes sociales, les « communautés » qui donnent un nouveau visage à la France. Planifier : concentrer les crédits dans une grande banque publique et les distribuer en fonction des priorités nationales, et bien sûr protéger la France et l’Europe de la concurrence étrangère (Obama ne le fait-il pas ?).
Renforcer un interventionnisme déjà étouffant n’est donc certainement pas pour rendre confiance aux Français et les persuader que la croissance sera au rendez-vous. Les bonnes réformes sont exactement à l’inverse : pour que les Français aient confiance, qu’on leur laisse la paix. Qu’on les laisse travailler, épargner, entreprendre, gagner de l’argent et leur assurer qu’il sera pour eux, et pas pour le percepteur ou l’URSSAF. La confiance c’est mettre fin à l’angoisse des retraites, aux désordres de l’Éducation nationale, aux imprévus de la santé publique, à la spoliation par les prélèvements obligatoires. Oui, c’est vrai, il n’y a pas de croissance sans confiance. Mais il ne peut pas y avoir de confiance tant que les dirigeants s’occupent de la croissance. L’État-providence, l’État grenouille, a voulu se faire plus grosse que le bœuf. La chétive pécore enfla si fort qu’elle creva.
Ayons confiance en nous-mêmes.
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
Crédit : Photo officielle de la Maison Blanche, par Pete Souza.
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