Joie, bonheur et saucisses industrielles : l’Europe s’occupe encore et toujours des interwebs. Joie, bonheur et fourchette en plastique : elle le fait pour les mauvaises raisons, s’y prend mal et obtient le contraire de ce qu’elle espérait. Tout se déroule donc comme prévu.
Afin de préciser ma pensée, point n’est besoin de revenir fort en arrière : il suffira de remonter il y a cinq mois de cela. On se rappellera en effet que fin mai entrait en application le fameux Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Pour ceux qui n’auraient pas suivi, l’idée était au départ d’enfin limiter l’usage abusif par les sociétés commerciales des données récoltées auprès des internautes lors de leurs visites sur les sites web et autres applications diverses, variées et mobiles. Pour ce faire, le Règlement entendait imposer un certain nombre d’enquiquinements administratifs et techniques aux sociétés en question, et ce afin de garantir à l’internaute que ses données personnelles ne seraient pas sauvagement abusées au détour d’une ruelle internet sombre.
Comme d’habitude, le règlement ainsi imposé partait d’un bon sentiment aussi idiot que mal défini par les députés européens, frétillants d’aise lorsqu’il s’est agi de voter ce nouvel embarras, mais complètement inconséquents lorsqu’il s’agira d’en mesurer les effets délétères. Au départ, les cibles étaient claires : il était temps de mettre un frein décisif à Google, Facebook et ces autres grosses entreprises américaines venues, jusque dans nos bras, piller les données de nos filles et nos compagnes.
Et sans surprise, lors de l’application de ce règlement, en mai dernier, je notais (plus ou moins goguenard) déjà des petits effets de bords indésirables : diminution drastique des revenus publicitaires de certains sites (très majoritairement européens) qui ont, depuis, dû largement revoir leurs méthodes de travail, accès devenu impossible pour des Européens à des sites Nord-Américains par simple refus d’appliquer ce règlement coûteux, et surtout, absence totale de toute application de ce règlement aux données captées par les États et leurs administrations.
Bref, tout montrait déjà que ce RGPD était une fausse bonne idée.
Depuis, quelques mois se sont écoulés et des signes supplémentaires d’un ratage complet de la cible s’amoncellent : non seulement, les données des individus ne semblent pas plus protégées, mais en plus et au contraire même du but affiché, ce règlement semble avoir augmenté l’hégémonie des principales entreprises américaines sur les réseaux.
On apprend ainsi que, loin d’avoir donné des armes aux utilisateurs contre les éventuels abus de Google et d’autres concernant leurs données, ce règlement semble bel et bien avoir accru la part de marché de Google dans la gestion des pisteurs publicitaires. Et si le nombre de ces pisteurs a bien diminué (et pour cause, leur existence pouvant contrevenir à ce RGPD), seuls ont survécu ceux de sociétés ayant les capacités de coller à la nouvelle règlementation en vigueur.
Autrement dit, le RGPD a tout simplement aidé Google à se débarrasser de ses concurrents européens en leur rendant plus délicate la tâche de conformité aux normes imposées. Et si le nombre de ces pisteurs a effectivement diminué sur pas mal de sites, il a en revanche progressé pour Google et sa régie publicitaire.
En somme, tout se passe comme si le règlement, pondu par nos futés députés, avait aidé Google au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues. Bien joué.
Cette petite odeur de moisi qui pourrit l’atmosphère européenne et ses règlements à la con pourrait n’être que passagère et seulement le résultat d’une mauvaise décision alors que, le reste du temps, tout se passe finalement bien dans le monde merveilleux de la Normalisation Forcenée du continent européen.
Il n’en est rien : ce qui s’est passé avec le RGPD n’est que l’une des occurrences de ces idioties auxquels nos parlementaires nous habituent avec une constance qui frise l’abnégation. Se tirer des balles dans le pied n’est ni un accident, ni un sport extrême rarement pratiqué, mais bien une véritable tradition soigneusement entretenue et exécutée avec une régularité quasi-monomaniaque.
C’est ainsi que, depuis des années, les politiciens européens entendent briser des monopoles comme Don Quichotte entendait briser des géants (avec du même le même résultat pitoyable). Il en est allé ainsi de Microsoft qui devait, à tout prix (et avec forte amende) séparer son système d’exploitation informatique de son navigateur internet, ce qui fut aussi grotesquement inutile que coûteux avec l’apparition de navigateurs bien plus performants et heureusement indépendants de la volonté du législateur (sans quoi nous aurions écopé d’une infâme usine à gaz subventionnée).
De la même façon, cela fait des années que l’Union Européenne et ses fins politiciens entendent briser l’affreux « monopole » de Google, soit sur les moteurs de recherche, soit sur la publicité, soit sur les systèmes d’exploitation pour téléphones portables, soit (introduire ici un marché juteux difficile à taxer encore plus sans se faire repérer).
À force d’essayer, les instances européennes y sont parvenues : Google a récemment écopé d’une amende, évidemment record (d’un peu plus de 4 milliards d’euros), pour avoir méchamment profité de sa position dominante dans le domaine des systèmes d’exploitation et dans les outils de recherches sur téléphones mobiles (ici, Android donc). Et quand bien même la firme américaine a dernièrement fait appel, elle a dû débourser ces milliards dont on sait déjà qu’ils seront forcément employés pour de beaux objectifs et de saines aventures.
Manque de bol, Google n’entend cependant pas se laisser faire : puisqu’on lui impose de proposer des systèmes d’exploitations totalement libérés de tout lien avec ses outils de recherche et de marketing publicitaire, la firme américaine propose donc de fournir Android, ou bien « packagé » gratuitement avec ses outils traditionnels, ou bien libre de toutes ces offres et, dans ce cas, à des prix savamment étudiés.
Autrement dit, un fabricant de téléphone pourra, conformément aux demandes européennes, disposer d’un système Android nettoyé de toute influence de Google, mais à un prix allant de quelques euros à plus de 30. Ce qui revient à augmenter mécaniquement de ce coût le prix des téléphones mobiles Android « sans Google ».
Selon toute vraisemblance, les fabricants et les consommateurs ne verront donc aucune différence : Google conservera l’intégralité de son hégémonie, et l’Union Européenne se sera une nouvelle fois ridiculisée tant l’impact effectif sera parfaitement invisible. Et puis, réussir à faire payer par le consommateur un produit au départ intégralement pris en charge par une société privée, c’est tout de même une belle réussite pour le politicien moyen, non ?
Quant aux 4 milliards encaissés pour le moment, il est plus que probable que les Américains les récupèreront amplement en répondant du berger à la bergère via l’une ou l’autre loi arbitraire sur les productions européennes (nombreuses, dodues et très exposées).
De ces guégerres minables, de ces réglementations idiotes, les consommateurs et contribuables de ces deux continents seront les grands perdants, comme d’habitude.
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