Tribune libre de Jacques Garello*
Ce n’est pas assez : on va aller à 4 millions, pour nous rapprocher des performances de nos voisins espagnols.
D’ailleurs, nous sommes déjà à plus de 4 millions, car le chiffre des chômeurs sur lequel tout le monde se lamente ne concerne que les personnes qui n’ont pas eu de travail du tout – ce sont les chômeurs dits de catégorie A. Si on y ajoute ceux qui ont occupé un emploi temporaire pendant 78 heures ou moins au cours du dernier mois, on atteint bien les 4 millions.
Mon collègue et ami Jean-Yves Naudet vous a bien expliqué toutes ces subtilités, qui permettent à l’INSEE et au gouvernement de rassurer ceux qui pourraient s’inquiéter de la montée du chômage en France.
Mais restons à 3 millions. C’est déjà 10,2% de la population active, au-dessus de la moyenne des pays de l’Union Européenne (9,5%). Et, en Europe, on peut citer quelques chiffres : Suisse 2,8%, Autriche 4%, Pays Bas et Luxembourg 5%, Allemagne 5,6%, Suède et Grande Bretagne 8%, ou encore Japon 4% et États-Unis 8%.
La ligne de partage est assez nette : nous appartenons aux nations déclinantes, tandis que les autres se sont redressées, au moins sur le plan du chômage.
Je ne fais pas pour autant de la déclinologie, parce que les prophètes de malheur estiment qu’il n’y a rien à faire, et que nous courons à une catastrophe sans précédent.
Il est vrai que la catastrophe se produira si l’on continue dans la grande tradition du « traitement social du chômage », des emplois aidés et de la chasse à l’entreprise, à la réussite et à l’épargne, agrémentée d’une redistribution aveugle. Va-t-on entretenir aussi la grande illusion de la relance par l’accroissement des dépenses publiques, donc les impôts ?
Michel Sapin, ministre du travail, nous a rassurés : « le chômage actuel n’est que l’héritage du quinquennat Sarkozy », ce qui en clair veut dire qu’il va rompre avec les erreurs précédentes. Mais le programme de Monsieur Sapin est bien net :
– réforme du droit du travail pour faire disparaître les CDD et n’avoir que des CDI : on va voir les employeurs se précipiter à Pôle emploi pour embaucher sans limite de temps des jeunes dont ils ne connaissent rien et qui ne connaissent pas grand-chose ;
– les emplois d’avenir, qui consistent à mettre des jeunes au service d’entités qui n’appartiennent « ni au secteur public, ni au secteur marchand ». Leur avenir est dans les associations, ou comme éducateurs des rues, ou entraîneurs sportifs ;
– les contrats de génération, qui cette fois-ci concernent « toutes les entreprises » et consistent à coupler l’embauche (en CDI toujours) d’un jeune avec le maintien en activité d’un senior de plus de 57 ans.
Il va de soi que les emplois ainsi « créés » par l’État sont des emplois « aidés ». Ces dépenses supplémentaires (qui pourraient dépasser les 5 milliards d’euros) seront juste à point pour réduire le déficit budgétaire (mais en fait, qui y croit encore ?).
Je ne fais pas de la déclinologie parce que je sais qu’un changement de cap peut réanimer l’économie française, puisque les autres nations européennes ont adopté des réformes libérales et en ont rapidement tiré les fruits. Au risque de vous importuner en répétant mon couplet sur l’espoir libéral, puis-je vous rappeler en quoi consistent ces réformes ?
Réformer le marché du travail et s’inspirer des lois Harz (liberté d’embauche et de licenciement, chômage partiel, négociations collectives réduites au minimum).
Réformer la fiscalité : réduire l’incertitude fiscale, supprimer la progressivité avec un taux d’imposition unique (flat tax), supprimer l’impôt sur le patrimoine : de quoi stimuler ceux qui veulent entreprendre et travailler davantage et de quoi stimuler la croissance.
Réformer l’État providence et pratiquer de larges privatisations de ce qui est aujourd’hui si mal géré par le service public : poste, transport, culture, éducation, logement (en finir avec le logement social).
Tous les pays visés ont diminué drastiquement le nombre de fonctionnaires, non pas pour les mettre au placard, mais pour en faire des serviteurs zélés et bien payés d’une clientèle qui retrouve son pouvoir d’achat.
D’autres réformes sont plus longues à mettre en œuvre, notamment celle de la Sécurité sociale, aujourd’hui en implosion. Retraites et maladie doivent s’ouvrir sur l’épargne capitalisée et sur la concurrence.
Ces blocs de réforme ne se heurtent qu’à l’immobilisme politique, fruit des pressions syndicales et de la France assistée. Mais l’assistance va bientôt disparaître, non par la pseudo politique de rigueur, mais par la récession économique. On aura les indignados dans la rue. Quels sont ceux qui auront le courage de dire la vérité et de faire les réformes ?
Notre mission est d’alerter l’opinion publique : non, le chômage n’est pas une fatalité; oui, la réforme nous rendra confiance, croissance et emplois. Bientôt un million de chômeurs en moins, en France comme ailleurs !
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
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