The Spectator, hebdomadaire anglais presque bicentenaire, a été créé en 1828, l’année où Champollion partait en Égypte pour sa première mission. Le journal s’adresse par priorité aux milieux conservateurs anglais. L’analyse qu’il livre de l’actuelle vie politique en France ne manque pas de flair.
Morceaux choisis :
“À six mois de la présidentielle, le gouvernement de gauche de Hollande n’a produit qu’un seul vainqueur : Marine Le Pen.”
“La France, pays de la “joie de vivre”, est devenue un endroit recroquevillé.”
“La classe dirigeante a perdu son éclat et son discours sur “faire la guerre aux terroristes” ne convainc plus personne ; les gens ont peur.”
“Désormais, la sécurité prime le chômage dans l’esprit des gens.”
“Les symboles nationaux ternissent : les baguettes sont fabriquées en usine, les vins viennent du Nouveau Monde et les Anglais gagnent le Tour de France !”
Avec un brin d’amusement dans la plume, le journaliste – Jonathan Fenby – relève les invraisemblables 4 % de satisfaction décrochés par Hollande dans le dernier sondage. Il écrit tout haut ce que beaucoup de socialistes français disent de moins en moins bas, eux qui « espèrent que, enfin touché par la lucidité, Hollande va renoncer à se présenter à la primaire, pavant ainsi la voie à Valls ».
Oui mais… the show must go on.
Alors, The Spectator analyse les forces en présence. « La droite “de gouvernement” (mainstream right) va conquérir l’Élysée », prédit le journal, sans prendre trop de risques. « Sarko » (en français dans le texte du journal) ne s’est jamais remis de sa défaite de 2012 : président « bling-bling », copain des très riches, son « style pittbull » est détesté par nombre d’électeurs : le journal doute de ses chances. Reste Juppé, car les autres candidats de droite ne sont même pas mentionnés par The Spectator. Juppé-le-calme donne confiance, il a l’expérience du gouvernement et est un bon maire de Bordeaux. On peut, pourtant, lui reprocher sa tiédeur sur les sujets sensibles de l’immigration et du terrorisme. Au chapitre des obstacles : son âge – 71 ans – et sa constante participation à cet « establishment » qui a gouverné la France pendant quarante ans, élite égoïste en laquelle le pays ne croit plus.
Et Marine, alors ? Elle a un boulevard – « a huge vacuum » – devant elle, écrit le journal, et « à 48 ans, elle peut prendre son temps » (pan sur le bec de Juppé !). Se démarquant de son père, elle a su créer le premier parti politique de France en attirant, notamment, à elle le vote ouvrier. Le journaliste a bien perçu l’émergence de coalitions anti-Front, mais n’en note pas moins que « le Front est désormais un élément central de la vie politique française ».
Et, by Jove, le journaliste ne peut s’empêcher de conclure par un petit coup de griffe : la France, écrit-il, pays des lumières qui se considère comme le phare de l’humanité, voit se développer défiance et condamnation des meneurs qu’elle a portés au pouvoir pendant des décennies.
À la réflexion, ce n’est pas si faux que cela, isn’t it?
Damned!