Après les attentats du 13 novembre 2015, Philippe Cohen-Grillet révélait dans Le Canard enchaîné que, malgré le déni et les mensonges du gouvernement, la justice française était au courant de menaces contre le Bataclan depuis 2009, et que rien n’avait été fait.
Fondé sur des centaines de documents inédits et des années de rencontres avec les principaux protagonistes, Nos années de plomb est une chronique glaçante de la guerre en cours, qui ne s’interdit ni la satire de ceux qui sont censés nous protéger, et en ont été incapables, ni la compassion pour les victimes. Il nous fait entrer dans les secrets d’une enquête d’une ampleur exceptionnelle sur la faiblesse de la France face à ses ennemis.
Le récit cinglant d’un incroyable désastre policier, judiciaire et politique.
Les attentats du 13 Novembre auraient-ils pu être évités ? C’est la question que l’on se pose à la lecture de l’ouvrage.(…) Pour lui, le premier acte de l’attaque du Bataclan remonte à une autre attaque terroriste ayant frappé le Caire, le 22 février 2009, et durant laquelle une lycéenne française perdra la vie. “Immédiatement après l’attentat du Caire, les autorités égyptiennes ont arrêté sept personnes”, rappelle-t-il. Parmi elles, une Française et un Belgo-tunisien, Farouk Ben Abbes.
Celui-ci avoue “très vite aux policiers égyptiens qu’il prépare un autre attentat, cette fois sur le sol français, contre le Bataclan, au motif que celui-ci appartenait à des juifs”. Les Egyptiens transmettent immédiatement l’information aux Français, qui ouvrent une enquête préliminaire, puis une instruction. Ben Abbes est extradé, puis incarcéré pendant 16 mois. Aujourd’hui âgé de 31 ans, il demeure assigné à résidence et vit dans le quartier de la Reynerie, à Toulouse.
. Or, l’islamiste radical n’est pas n’importe qui : c’est un ami des frères Clain, dont le nom apparaît dans l’enquête sur les attentats du 13-Novembre. Fabien Clain a en effet prêté sa voix à l’EI pour revendiquer, dans un enregistrement sonore, les attaques. “Fabien et son frère Jean-Michel, qui sont aujourd’hui en Syrie et des pontes du groupe francophone de l’EI, sont des intimes de Ben Abbes, ils étaient ensemble au Caire en 2008. […] Ils se connaissent très très bien, ils étaient même encore ensemble début 2015”, développe Philippe Cohen-Grillet.(…)
Au cours de l’instruction, la salle de concert est citée plusieurs fois lors d’interrogatoires par différents suspects, mais apparaît également dans une sorte de journal intime tenu par la Française incarcérée. Pourtant, “dans les 6.000 pages de ce dossier d’instruction, le mot ‘Bataclan’ n’apparaît que sept fois. (…)
Un système “défaillant”. Alors, comment expliquer ce non-lieu en septembre 2012, prononcé par le juge d’instruction antiterroriste Christophe Tessier, en charge du dossier ? “Je l’explique par une défaillance du système. Ce qui est beaucoup plus grave qu’une simple accumulation de petites erreurs ou de dysfonctionnements. […] On est face à des ennemis particulièrement retors, qui parviennent à balayer des éléments de preuve […]. Parfois, on se contente de réponses un peu indolentes… Et, finalement, ça se termine par un non-lieu”, avance Philippe Cohen-Grillet.. 5…)
“Aujourd’hui, il y a un discours qui est servi par de très hautes autorités judiciaires qui consiste à dire : ‘ce n’est pas notre faute si nous avons clos ce dossier par un non-lieu, nous ne disposions pas d’éléments de preuve.’ C’est faux. Il y a dans ce dossier de 6.000 pages des éléments matériels qui ont été fournis par les autorités égyptiennes et par les enquêteurs belges, qui ont très bien travaillé, et qui n’ont pas été exploités”, poursuit Philippe Cohen-Grillet. Et de conclure : “donc, excusez-moi l’expression, mais on est en train de balader les victimes.”