Selahattin Demirtas, l’homme qui défie Erdogan!

Elections législativesLe charismatique leader du HDP, parti prokurde, a bien l’intention de brouiller les cartes lors des législatives de dimanche.Sous ses fenêtres, à Istanbul, la police veille 24 h sur 24. Son garde du corps lui colle aux basques et ses collaborateurs se liquéfient, épuisés par une campagne électorale étouffante. Mais Selahattin Demirtas semble imperméable à la pression et au chaos qui l’entourent. «Je suis très tranquille. J’ai grandi à une période où la sécurité était encore plus précaire, j’ai lutté toute ma vie dans cette atmosphère, donc cela ne me déstabilise pas», assure le leader du Parti démocratique des peuples (HDP), formation prokurde.

Demirtas est pourtant devenu l’homme à abattre, à la veille des élections législatives de dimanche. Des élections qui sont une répétition de celles du 7 juin, qui avaient vu, pour la première fois, l’AKP (Parti de la justice et du développement), au pouvoir, perdre sa majorité absolue. Cette fois, le scrutin est organisé dans un contexte beaucoup plus tendu. Le président Recep Tayyip Erdogan, piqué au vif par la popularité croissante de cet avocat kurde de 43 ans, a fait de son jeune adversaire la cible principale de sa vindicte. Et surtout, les partisans de Selahattin Demirtas ont été visés par une série d’attentats attribués à une cellule turque de l’organisation Etat islamique, originaire de la ville d’Adiyaman. Le dernier attentat suicide, le 10 octobre à Ankara, a fait 102 morts. Un autre kamikaze projetait de se faire exploser quelques jours plus tard, le 18, à Gaziantep, au milieu d’un meeting du chef du HDP. Tous les rassemblements ont dû être annulés et les dernières réunions de campagne se sont tenues à huis clos, sous haute sécurité.

Depuis son succès du 7 juin – le HDP a obtenu 13,1% et 80 sièges de députés – le leader du mouvement prokurde est sous le feu des projecteurs. C’est lui qui, pour la première fois, est parvenu à fédérer les voix de tous ceux qui voulaient s’opposer au projet de régime présidentiel de Recep Tayyip Erdogan. Demirtas a réussi à faire la synthèse entre la lutte historique des Kurdes à l’est et la gauche turque moderne de l’ouest, celle incarnée par la jeunesse urbaine issue de la révolte du parc Gezi, en 2013. Il a reçu le soutien des minorités ethniques et religieuses (chrétiens, alévis, Kurdes, Arméniens), séduit les classes populaires, les femmes… Au cours de cette campagne, il est allé prendre le petit-déjeuner avec des ouvriers sur un chantier, le dîner chez des étudiants… Il a conversé avec ses jeunes électeurs sur les réseaux sociaux. Il s’est fait le porte-voix des plus modestes, là où Erdogan excellait il y a encore dix ans.

Un «Obama kurde»? La comparaison qu’osent ses supporters le fait rougir, lui n’a obtenu «que 10% à la présidentielle alors que le président Obama a été élu du premier coup», glisse-t-il. «Il a un profil de gendre idéal. C’est quelqu’un de charismatique, de très humain, qui a la quarantaine, ça tranche dans la classe politique turque», note le politologue Ahmet Insel. Dimanche, en consolidant son score de juin, il pourrait encore être l’arbitre des ambitions du président Erdogan.

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