Les députés, qui procédaient jeudi à une nouvelle lecture du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures, ont entériné l’amendement qui donne aux animaux la qualité «d’êtres vivants doués de sensibilité».
Un chat peut-il encore être considéré comme un meuble? Non, estiment les députés qui ont débattu pour la seconde fois cette année du statut juridique de l’animal dans le Code civil, qui reste à ce jour très flou. À l’origine de cette initiative législative, les associations de défense des animaux qui veulent «dépoussiérer» le Code civil, resté inchangé sur la question des animaux depuis 1804. Surtout, elles veulent mettre fin à un paradoxe juridique qui existe depuis plus de 30 ans: alors que le Code civil assimile nos chers compagnons à des «biens meubles», les Codes rural et pénal, eux, considèrent déjà que les animaux sont des êtres vivants et sensibles.
Intégré dans le projet de loi sur la simplification du droit, l’amendement, entériné donc jeudi soir par les députés, vise à clarifier ce statut. Dans ce texte, l’article 1er bis propose ainsi de considérer les animaux comme «des êtres vivants doués de sensibilité (…) soumis au régime des biens». Cette nouvelle définition du Code civil s’alignerait ainsi sur celles des Codes pénal et rural et ne concernerait aucunement les animaux sauvages, comme les cerfs ou les sangliers. «Ce texte est un bon compromis, se réjouit Jean-François Legueulle, délégué général de la Fédération 30 Millions d’amis. L’animal n’est plus assimilé à une table ou à une chaise. Et comme il continue d’avoir un propriétaire, on dit qu’il est soumis au régime des biens». «Mais, insiste-t-il, l’animal n’est plus un bien en tant que tel».
Déjà voté en première lecture par l’Assemblée nationale en avril dernier, le projet de loi, faute d’accord, avait été recalé le mois d’après en commission mixte paritaire. Le Sénat devrait procéder à son tour à cette nouvelle lecture vers la fin novembre et devrait de nouveau rejeter le projet de loi. L’Assemblée, qui a constitutionnellement le dernier mot, procèdera ensuite à une ultime lecture.
Depuis des années, les associations de défense des animaux se battent pour un nouveau statut juridique de l’animal. Pour interpeller le gouvernement, la fondation 30 millions d’amis avait lancé une pétition l’an dernier qui affiche à ce jour plus de 750.000 signatures. Dans cette même perspective, elle était parvenue à récolter pour son manifeste les signatures de 24 penseurs comme Michel Onfray ou Luc Ferry. «Il est plus que temps d’harmoniser notre droit et de mettre fin à une incohérence qui rend la protection des animaux imparfaite et empêche la justice de s’appliquer pleinement lorsque cela est nécessaire», écrit ce jeudi Reha Hutin, la présidente de 30 Millions d’amis sur Le Plus.
Les associations espèrent que ce changement aura un impact sur l’opinion publique et le travail des magistrats. Alors que le mauvais traitement des animaux est passible de 2 ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende (selon le Code pénal), «très peu de personnes sont condamnées, au pire elles écopent d’une petite amende», déplore Jean-François Legueulle qui estime que la condamnation du «lanceur de chat» à un an de prison en 2013 n’était «qu’une exception».
Cette mesure intervient en plein débat sur la question du bien-être animal, soutenue par plusieurs intellectuels et figures médiatiques. Alors que l’éditorialiste Franz-Olivier Gisbert vient de publier un livre*, le moine bouddhiste Matthieu Ricard a diffusé son plaidoyer sur les animaux, y compris en vidéo. Excédé, le principal syndicat agricole français, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a dénoncé mercredi un «show médiatique» sur la souffrance des animaux d’élevage. En revanche, le syndicat, qui craignait plus que tout que les animaux bénéficient d’un statut intermédiaire entre celui des hommes et celui des biens, accepte cette «évolution». À une seule condition: il ne faut pas «remettre en cause la notion de la relation entre l’éleveur et son animal qui est une relation de subordination», a déclaré à l’Agence France-Presse son président Xavier Beulin.
Selon un sondage IFOP, 9 Français sur 10 sont favorables à une réforme du Code civil reconnaissant les animaux comme des êtres «vivants et sensibles».
* L’animal est une personne, Franz-Olivier Giesbert, aux éditions Fayard, octobre 2014.