Pol Vandromme au cœur de la droite buissonnière

C’est un hommage plus que mérité que la revue littéraire Livr’arbitres rend au critique belge Pol Vandromme dans son numéro de l’été 2016. Car si Vandromme n’est pas à proprement parler un écrivain, au sens traditionnel du terme, c’est un critique littéraire, l’un des tout premiers de son temps.

La très abondante bibliographie de Vandromme est en ordonnée autour de la critique littéraire, et elle constitue un hommage continu à cette droite littéraire qui, de Nimier à Perret, de Maurras à Brasillach, de Céline à Marcel Aymé, ou de Louis Pauwels à Maurice Bardèche, a donné ses meilleures lettres de noblesse à la littérature française contemporaine.

Vandromme a accompagné les choix des lecteurs, depuis les années cinquante jusqu’à sa mort, en 2009. Il n’est donc pas surprenant que, dans ce numéro de Liv’arbitres, les hommages viennent de tous bords et surtout de toutes générations. On y croise par exemple Marc Laudeloup, le grand spécialiste de Céline, ou encore l’essayiste Christopher Gérard, le critique littéraire P.L. Moudenc, le romancier Christian Dedet, et aussi Marc Hanrez, Jérôme Besnard, Didier Dantal etc.

Pour ce critique littéraire belge (de Charleroi, très exactement), tout avait commencé par un petit ouvrage paru en 1960 aux éditions des Sept Couleurs, qui était la maison montée par Maurice Bardèche, le beau-frère et ami de Robert Brasillach. A cette époque, Vandromme a 33 ans. Il a déjà publié quelques livres, et en particulier deux livres très majeurs : un Robert Brasillach (Plon, 1956), et Le Monde de Tintin (Gallimard, 1959). Ces deux livres sont d’ailleurs très importants : le Brasillach nous apprend dans quel esprit Vandromme entend travailler. Il ne sacrifiera rien à l’air du temps. Quant au livre sur Tintin et Hergé, il révèle l’extraordinaire prescience de Vandromme : avant tout le monde, le jeune critique belge avait compris que l’œuvre d’Hergé allait bien au-delà de récits dessinés pour distraire les enfants. Que nous étions confrontés à une œuvre artistique de première grandeur, à vocation universelle. Et, le premier, – précédant d’ailleurs une cohorte innombrable – Vandromme a su le faire savoir, contre la volonté même de Hergé, pourrait-on dire.

Puis arrive cette Droite buissonnière. Il déterminera sa vocation d’identificateur et de chroniqueur de la droite littéraire. Vandromme dresse la cartographie d’une génération d’écrivains de l’après-guerre. La plupart, à cette époque, ont déjà acquis une visibilité. Mais il parait encore trop tôt pour parier sur leur pérennité. Vandromme fait ce pari. Et c’est un pari gagné pour la plupart d’entre eux, les Pierre Boutang, Maurice Bardèche, Marcel Aymé, Jacques Perret, Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Kléber Haedens, Michel Déon, Félicien Marceau, Louis Pauwels…

Le reste de son temps, il va le consacrer en quelque sorte à justifier ses choix. Et cela donnera : Michel Déon, le nomade sédentaire (1990), Félicien Marceau, le défi d’un irrégulier (1996), Roger Nimier (Jacques Antoine, 1977, réédité en 2002 chez Vagabonde, sous le titre Roger Nimier, le Grand d’Espagne), Jacques Perret (2006), des essais sur d’autres auteurs, qui n’étaient pas encore repérés dans sa Droite buissonnière, ou qui appartenaient aux générations précédentes : un Rebatet, un Maurras, un Céline, un Mohrt, un Nourissier, un Chardonne, un Simenon, un Ghelderode.
D’où enfin d’innombrables recueils de critiques. Et plusieurs livres de souvenirs. Que sont les souvenirs d’un critique littéraire ? Des souvenirs de lecture, pour l’essentiel. Et quelques souvenirs de rencontres. Dans ce dernier ensemble, qui n’est pas le moins intéressant, domine un livre, qui me semble être le plus beau de tous, un petit bijou, magnifiquement ciselé, comme un dernier cadeau de Pol à ses amis, et dont le titre même en dit beaucoup sur Vandromme, sur la place qu’il s’attribuait dans le monde littéraire : Bivouacs d’un hussard (La Table ronde, 2002).

Comme le raconte Livr’arbitres, pendant que les hussards guerroyaient sur le front des lettres, lui gardait le bivouac, s’occupait de l’intendance et, façon Froissard, nous préparait la grande fresque de leurs exploits.

Livr’arbitres n° 20, été 2016, 8 euros, Patrick Wagner 36 bis rue Balard 75015 Paris

Francis Bergeron – Présent

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