Dans une lettre ouverte, des personnalités militantes exhortent les dirigeants politiques français à mener une guerre éminemment politique et économique contre l’islamisme radical. Alors que depuis 2012 notre pays connaît une vague d’attentats sans précédent, pas un jour ne passe sans que l’un d’entre vous ne clame que “nous sommes en guerre”. Pour répondre à l’inquiétude des citoyens, vous proposez des actions et des mesures souvent pertinentes, dont chacun peut légitimement se demander pourquoi elles n’ont pas été mises en œuvre plus tôt.
D’autres de vos idées sont plus contestables, si nous voulons conserver un cadre démocratique à notre République. Quelques-uns d’entre vous font même référence à Churchill (“Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur”) ou à Clemenceau (“Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre”), mais peu semblent avoir la lucidité de l’analyse, la cohérence de l’action et la persistance du courage de ces illustres prédécesseurs.
Les “territoires perdus de la République”
Le prétendu État islamique et le djihadisme dans leurs formes actuelles seront militairement vaincus : c’est une question de temps et de moyens. Mais l’islamisme, qui est le terreau et le sas naturels du djihadisme, semble voué à prospérer. Refusant de séparer la religion de la politique, il travaille notre pays depuis des décennies, aboutissant à de véritables “territoires perdus de la République”. Bien sûr, nous ne parlons pas ici de l’immense majorité de nos compatriotes musulmans vivant paisiblement leur foi (ou leur indifférence) dans leur sphère privée, mais d’un islam militant poursuivant un objectif politique.
L’islamisme, qu’il soit d’obédience wahhabite ou associé aux Frères musulmans, a le même projet stratégique de conquête que le djihadisme. Il n’en diffère que par la méthode pour gagner les esprits et les cœurs et implanter dans notre pays et d’autres en Europe un modèle politique et social à l’inverse absolu de notre démocratie occidentale. L’égalité hommes-femmes, la liberté d’expression (incluant le droit au blasphème), la laïcité, la protection des minorités, y compris sexuelles, une politique étrangère indépendante… voilà quelques-uns des marqueurs de notre modèle français et européen que veulent abattre les islamistes.
Les attentats terroristes sont certes condamnés par la plupart des institutions ou personnalités islamistes, d’abord parce qu’ils gênent leur stratégie “entriste” dans le tissu sociétal français, en créant la suspicion ou la répulsion envers l’islam. Mais depuis l’avènement des réseaux sociaux, le double discours de certains imams ou maîtres à penser médiatiques ne laisse plus place à l’illusion.
Pour arriver à ses fins, l’islamisme en France bénéficie de subsides et d’appuis matériels significatifs de l’Arabie saoudite et du Qatar. Ce soutien transite par des aides officielles, mais aussi par des fonds privés pour la construction de mosquées salafistes, des lieux d’enseignement, des organisations et des réseaux islamistes dans les universités comme dans les banlieues.
De la diffusion de la propagande islamiste
La prise de contrôle ou la participation dans de nombreuses entreprises françaises par des fonds issus de ces pays génèrent des bénéfices, contribuant à alimenter la diffusion de la propagande islamiste et les flux d’aide à leurs réseaux sur notre territoire. Ces contrôles d’entreprises françaises permettent aussi à ces États diffuseurs du salafisme d’augmenter leur visibilité et leur assise, comme l’a démontré le Qatar avec sa prise de contrôle économique et médiatique du PSG.
Le Qatar n’a cessé depuis quinze ans d’appeler au djihad. Son principal prêcheur, Youssef al-Qardaoui, est le fondateur et doyen de la première Université des études et sciences islamiques, établie au Qatar en 1977. Considéré comme le guide spirituel des Frères musulmans, il a été condamné à mort en Égypte. Son programme “Al-charia wa al-hayat” (la voie vers dieu et la vie), diffusé sur Al Jazeera, connaît une audience importante dans le monde. Voilà ce qu’il dit : “L’islam est entré deux fois en Europe, et deux fois l’a quittée… Peut-être que la prochaine conquête, avec la volonté d’Allah, se fera par la prédication et l’idéologie. Toute terre n’est pas obligatoirement conquise par l’épée… Nous voulons qu’une armée de prédicateurs et d’enseignants présente l’islam dans toutes les langues et tous les dialectes…”
Le Consortium Against Terrorist Finance nous apprend qu’en 2010, Al-Qardaoui était président du Conseil de surveillance de la charia de la Banque islamique du Qatar, l’un des plus importants établissements islamiques, qui entretient des relations controversées avec des organisations soupçonnées de financer le terrorisme au Moyen-Orient. Et Al-Qardaoui a coopté au sein de l’Union mondiale des savants musulmans le Suisse Tariq Ramadan, qui a demandé la naturalisation française pour jouer un rôle politique dans notre pays. Rappelons que Ramadan, petit-fils et adepte du fondateur des Frères musulmans, se vante de ne pas “être Charlie” et d’être “perquisitionnable”…
De son côté, l’Arabie saoudite est en passe de constituer le plus grand fond d’investissement dans le monde, après avoir cédé une partie de sa société d’exploitation pétrolière. Nul doute que de nombreuses entreprises en difficulté ou en quête de capitaux pour se développer seront tentées par cette nouvelle manne financière. Il n’est pas sûr que cela soit une bonne nouvelle pour notre pays.
Des niches fiscales accordées au Qatar
Au plus haut sommet de l’État, vous avez encouragé ces investissements, voire ces prises de contrôle. Vous avez même créé des niches fiscales pour les dispenser d’impôts, telle l’exonération des plus-values immobilières accordée en 2009 au Qatar, alors même que les institutions régaliennes du pays pour se défendre contre le terrorisme sont en mal de financement. Il serait fastidieux d’égrener la longue liste des sociétés françaises ainsi concernées, dans les médias, l’immobilier, le commerce ou le sport… Le Qatar n’a même pas caché sa volonté d’entrer dans le capital de deux sociétés stratégiques pour la défense nationale, EADS et Areva, sans succès heureusement. Pour le moment.
Dans toute guerre, la maîtrise de tous les attributs de la puissance est nécessaire pour vaincre un ennemi structuré. Vous pouvez frapper en Syrie, en Irak, au Mali, en République centrafricaine et en Libye. Vous pouvez renforcer nos services de renseignement et de sécurité intérieure. Mais vous devez aussi combattre politiquement l’islamisme en France. Vous devez fermer ses mosquées, expulser ses imams radicaux étrangers, tarir ses relais dans les quartiers, sanctionner ses réseaux sociaux et ses chaînes satellitaires, couper les sources de financement de l’islam politique. Sans quoi vous ne vous serez attaqués qu’à l’écume du terrorisme.
Investir dans les banlieues
Des efforts considérables seront nécessaires pour investir dans les banlieues et dans les quartiers en difficulté et reconquérir les zones abandonnées aux pègres et aux islamistes, où prospère aussi le Front national. Nul doute que se passer des “services” de puissances opulentes mais néfastes à la démocratie française impliquera des choix douloureux en matière économique…
Aurez-vous le courage de le dire aux Français, de désigner l’ennemi sous toutes ses facettes et surtout de mener cette guerre longue sur tous les fronts, y compris politique et économique ? Alors, et alors seulement, vous pourrez légitimement vous référer à Churchill ou à Clemenceau.
François Heilbronn, professeur associé à Sciences Po, Jacky Mamou, médecin, président du collectif Urgence Darfour, Jean-Michel Boisset, journaliste, Sérénade Chafik militante féministe, co-porte-parole de l’association les Dorine.