(…) Ni son parcours, ni ses diplômes, ni son expérience opérationnelle ne justifient ce niveau de poste; encore moins le profil de chef adjoint de cabinet, qui englobe des missions non directement liées à la sécurité. Celui ou celle qui occupe ce type de poste est généralement un haut fonctionnaire, éventuellement un contractuel de très haut niveau, au profil plus “lourd” (de par ses diplômes ou son expérience préalable dans le milieu administratif et institutionnel).(…)
La protection rapprochée n’a jamais fait partie de la responsabilité d’un cabinet!
De ce fait, deux options seulement peuvent être envisagées, qui se révèlent toutes deux “en dehors des clous”. La première c’est qu’Alexandre Benalla a bel et bien franchi de manière illégitime le périmètre de ses fonctions, qui se limitaient exclusivement à un rôle de coordinateur dans la préparation des déplacements officiels et privés du président. Mais on peut dès lors se demander pourquoi personne n’a jamais remarqué et mit fin à ces “excès de pouvoir” ou de présence au sein du cabinet dirigé par Patrick Strzoda?
La seconde c’est qu’il s’occupait bien de la sécurité du Président, avec l’assentiment de l’Élysée (formellement ou informellement), ce qui ne correspond pas au fonctionnement ordinaire d’une telle mission, puisqu’il appartient de droit au GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la république) et que nous sommes là au cœur du régalien! (…)
Pour résumer, quelqu’un dont le passé témoigne globalement d’une expérience d’agent de protection rapprochée (APR), garde du corps dit de façon très claire (quels que soient ses mérites), n’a nullement vocation à intégrer un cabinet présidentiel, ni comme chargé de mission, ni comme adjoint du chef de cabinet…
Le deuxième problème consiste dans l’incapacité de l’appareil administratif à venir à bout des dysfonctionnements que cette situation a entraînés. Les auditions parlementaires incitent à penser que les services de sécurité se sentirent contraints de “faire avec” une personne dont ils questionnaient la présence et le mode de travail, bref, la légitimité à agir; mais aucune autorité ne voyait comment “recadrer” un homme proche du Président. Et il n’y là rien d’étonnant. Nous vivons dans un modèle politico-institutionnel dans lequel on ne peut guère, sans risque, remettre en cause un membre de l’équipe élyséenne.
Ce qui entraîne le constat et l’éclaircissement du problème suivant. Pourquoi aucune autorité n’a activé l’article 40 du code de procédure pénale qui stipule que “toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République”. Il est clair que cet article –que certains énarques et membres des “grands corps” savent très bien instrumentaliser dans le cadre de règlements de comptes et de conflits internes à l’administration, ainsi que pour “ouvrir le parapluie”– aurait dû être ici mobilisé (en regard de la suspicion d’usurpation de fonction publique, délit sanctionné par l’article 433-12 du code pénal). f (…)
D’où le séisme, provoqué par l’effet explosif de contraste. Emmanuel Macron doit incarner la rupture, l’exemplarité; dans le cas contraire, c’est toute son identité politique qui se trouve atteinte. Surtout sur un sujet aussi capital aujourd’hui que la sécurité, au moment même où le Ministre de l’Intérieur communique sur le “continuum”, la coopération public/privé en matière de sécurité. Alors que l’on insiste sur le nécessaire respect du droit par les sociétés de sécurité, on tolère d’autant moins que des comportements barbouzards aient lieu dans l’entourage du Président.
L’affaire tient en quelques mots: Alexandre Benalla a été placé dans une posture institutionnelle et statutaire inadaptée (ce qui ne relève pas de sa responsabilité), et il n’était pas profilé pour le gérer. (…)