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Si certains critiques de gauche craignaient que La Confession soit une lourde leçon de catéchisme, nous redoutions plutôt qu’il ne s’agisse d’une énième partition sur le thème des prétendus tourments amoureux des consacrés. Or, Nicolas Boukhrief navigue à mille lieues du transgressivement correct. Il ne saisit pas la caméra en vue de récolter les louanges de Télérama, de Technikart ou des pages cultureuses de Libération. Boukhrief n’a pas renoncé à transcrire la beauté du monde, celle qui subsistera toujours, archaïque, derrière le vilain voile grisâtre de notre époque. Avant d’être un réalisateur, il fut probablement un grand lecteur, cheminant avec attention jusqu’au fond des choses. Lorsqu’il rencontra l’œuvre de Béatrix Beck, « Léon Morin, prêtre », il s’y enfonça tout entier. De nombreuses années passèrent avant d’en envisager une adaptation, tout à fait libérée du précédent film de Jean-Pierre Melville. Et si Melville avait respecté scrupuleusement l’ouvrage, Boukhrief a les ressources suffisantes pour s’en libérer avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité.
Si touchante Barny
En plus d’être un film de cinéaste, plongé dans une lumière soignée et dans un décor reconstitué avec précision, La Confession est un film d’écrivain. Sa qualité doit beaucoup aux dialogues, elle tient aussi au formidable duo d’acteurs que forment Romain Duris – qui avait rarement atteint un tel niveau de jeu – et Marine Vacht. Incontestablement, le réalisateur s’est concentré sur cette dernière, sur son courage discret, sa dureté idéologique qui n’est que l’envers de sa soif de vérité – on pense à Simone Weil – sa beauté naturelle qui saute à l’écran. Melville, lui, avait braqué l’attention du spectateur sur le Père Morin, alors interprété par Jean-Paul Belmondo. En ce XXIe siècle qui feint d’ignorer ce qu’est une âme, il ne fallait pas manquer de fraîcheur et de talent pour mener au plus haut les joutes oratoires entre la communiste Barny et le jeune Père Morin. Duris-Vacht s’en tirent à merveille. Le pourtant sceptique Alain Spira, critique ciné de Paris Match le reconnaît : « On n’en sort pas forcément croyant, mais on y croit ».
Une foi bernanosienne
Si Boukhrief a su lire et restituer le récit autobiographique de Béatrix Beck, c’est l’atmosphère des grands romans bernanosiens que l’on retrouve de bout en bout. Du « Journal d’un curé de campagne » bien entendu, mais aussi de « Sous le Soleil de Satan ». Et d’ailleurs, la foi aussi intrépide que sereine du Père Morin, qui semble à chaque instant d’une grande liberté face aux blessures de l’incarnation, aux accidents de la vie parmi les hommes, rappelle page après page les intuitions du grand Georges. Les moments de grâce affleurent ici et là dans le film. Boukhrief parvient à nous montrer, comme si nous le découvrions pour la première fois, la beauté du sacrement de pénitence et la puissance qui peut monter de la simple lecture des Evangiles. Il ne s’agit pas d’un film pour les « chrétiens de pain d’épice ». Foin de naïveté et de mièvrerie semble nous dire Boukhrief, le catholicisme n’est pas une méthode de « développement personnel », aussi efficace soit-elle. Il est la stupéfiante descente du Christ, qui a accepté de tomber assez bas pour saisir et relever notre humanité misérable. Les grâces pleuvent lorsque ses prêtres ne s’en détournent pas.
- La Confession, de Nicolas Boukhrief, avec Romain Duris et Marine Vacht, SAJE Distribution, 20 euros.