Plusieurs médias ont décidé qu’ils ne publieraient plus les visages des auteurs de tueries. La guerre du floutage fait rage, ses détracteurs hurlant à la pudibonderie antiraciste, ses partisans louant l’épilogue d’un an de starification posthume. Ce débat médiatique élude cependant une question prioritaire de sécurité, en amont : et si nous connaissions le visage de nos ennemis avant qu’ils ne passent à l’acte ? Pourquoi n’aurions-nous pas accès aux photographies de ceux qui font l’objet d’une recherche policière ? Au lieu de nous interroger sur la légitimité de porter leurs visages aux nues une fois le sang versé, ne pourrions-nous prévenir certains crimes grâce au concours de la population ?
Pendant des années, le fichier des personnes recherchées (FPR) de la police nationale a été accessible à tous, sur le serveur du ministère de l’Intérieur. Sur une page intitulée « Avis de recherche de la police nationale », le citoyen pouvait alors consulter des dizaines de fiches (87 pour la dernière mise à jour) assorties de photographies ou de portraits-robots, d’une identité ou d’un descriptif physique. Le renseignement français a toujours sollicité les citoyens par l’appel à témoins, qui a permis de mettre la main sur des individus en fuite, condamnés ou auteurs présumés.
En juillet 2015, sous les ministères de Bernard Cazeneuve et de Christiane Taubira, ce fichier a mystérieusement été soustrait à la consultation par les citoyens. Les pages Web sont désormais désactivées. Or, ce même mois de juillet, la loi n° 2015-912 relative au renseignement rendait automatique le versement au FPR des individus inscrits sur un nouvel outil de renseignement, le fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), définitivement entré en vigueur le 1er juillet 2016.
Sur ce fichier figure tout individu condamné pour une infraction matérielle ou organisationnelle liée à une entreprise terroriste.
Afin de simplifier le travail de reconnaissance des douanes aux frontières, les deux fichiers ont fusionné (décret n° 2015-1840 du 29 décembre 2015)… mais, dorénavant, seuls les services du ministère de l’Intérieur y ont accès.
Le traditionnel appui populaire est écarté, alors que cet effort de signalement pourrait être décisif dans certains cas de manquement aux obligations de suivi territorial ou d’assignation à résidence.
Il est curieux que l’on ait retiré au peuple non seulement le devoir de vigilance civique qui lui incombe mais aussi le droit le plus légitime de connaître l’identité de ceux qui, sur son propre territoire, veulent porter atteinte à lui.
L’argument de sécurité nationale qui exclurait le libre accès à ce fichier pour des raisons d’investigation secrète est évacué car « toute personne inscrite sur le fichier en est informée » » (délibération de la CNIL du 7 avril 2015).
Ainsi, on a confisqué à la communauté nationale l’identification des terroristes, qui ont désormais sur elle comme une longueur d’avance. Le fichag, en France, est-il devenu si discret qu’il échappe à ceux qui, les premiers, devraient en être informés ?
Jusqu’à l’an dernier, les citoyens pouvaient avoir librement accès au faciès des personnes recherchées pour grand banditisme, mais celui des individus susceptibles d’attenter à ses jours lui seraient refusés ? Le droit du terroriste de circuler en tout anonymat est-il supérieur au droit du peuple à ne pas mourir ? Faut-il attendre que le djihadiste se fasse exploser pour découvrir son visage ? Enfin, la sensiblerie antiraciste est-elle plus sacrée aux yeux du gouvernement que la liberté du peuple français à protéger ses enfants ?
On nous a retiré notre responsabilité civique en nous défendant l’accès à l’identité de nos ennemis, dont nous découvrons toujours trop tard le visage de mort. Infantilisés, nous sommes comme préservés du champ le plus minimal du renseignement – mais non du champ de bataille.