Le président d’honneur du FN admet avoir été angoissé à l’idée d’une «déferlante populiste» qui l’aurait poussé au pouvoir en 2002. Faute de préparation et d’équipes compétentes.
Au crépuscule de sa vie comme de sa carrière politique, Jean-Marie Le Pen ne s’en cache plus: il a peur. Des peurs qui l’ont accompagné tout au long de son parcours et qu’il confie dans un entretien à la revue Society à paraître vendredi 29 mai. Au-delà des bravades tonitruantes et des promesses de n’abandonner le combat qu’à son dernier souffle, le fondateur du FN revient notamment sur son accession au second tour de l’élection présidentielle, le 21 avril 2002. Si beaucoup de commentateurs ont estimé que la figure tutélaire de l’extrême droite française n’a jamais vraiment voulu prendre le pouvoir, c’est la première fois que Jean-Marie Le Pen l’admet aussi ouvertement.
«En 2002, c’est vrai, j’ai envisagé avec une certaine angoisse qu’il y ait une déferlante populiste. Je ne suis pas spécialement un homme politique qui a la réputation d’être peureux mais je sais évaluer le danger. Quand vous vous retrouvez dans l’hypothèse d’être président de la République alors que vous n’avez pas l’appareil pour le faire, vous ne trouvez pas que ça puisse susciter légitimement une impression d’angoisse? Si ce n’est pas le cas, c’est que vous êtes un branleur», confie celui que l’on surnomme volontiers «le Menhir». Malgré ses affirmations passées, l’eurodéputé n’a même jamais vraiment nourri l’espoir de rentrer à l’Élysée. «Je n’ai jamais fait plus de 18% et on n’accède pas au pouvoir quand on fait 18%. D’ailleurs, Marine n’a jamais fait plus, et elle ne fera pas plus demain en faisant un mélange d’UMP et de PS», assène-t-il à l’endroit de la direction actuelle de son parti. Une franchise qui contraste avec des propos tenus en mars 2014, lorsqu’il accusait Jacques Chirac d’avoir truqué les résultats en 2002.
Son autre angoisse, celle de la «déferlante démographique»
Mais la peur a habité l’ancien député bien au-delà de cet épisode. «Bien sûr que j’ai peur, admet-il . Je fais même partie de ces gens qui, depuis des siècles, ont tellement peur qu’on vienne chez eux qu’ils ont risqué leur vie pour essayer de garder leur terrain. Moi, je m’intéresse d’abord à ceux dont j’ai la charge avant d’avoir des vues généreuses qui permettraient au monde de s’aimer tous ensemble les uns sur les autres», précise Jean-Marie Le Pen. Une peur qui motive donc ses sempiternels réquisitoires pour dénoncer la «déferlante démographique qui va submerger l’Europe en provenance d’Afrique». «Moi, je vous garantis qu’ils (les Africains, ndlr) vont se tuer les uns les autres, ils vont s’égorger, parce qu’il n’y aura pas à manger pour tout le monde. Et puis, ils vont venir ici, ils vont vouloir votre place, ils vont tout vous prendre (…) Ils vont vous défoncer la gueule!», éructe encore l’ancien parachutiste de la guerre d’Algérie, toujours avide de marquer les esprits par l’outrance.
Car s’il est animé par ses peurs, il semble que ce soit celle d’être oublié qui domine Jean-Marie Le Pen, tant il démontre le souci d’effrayer. «Il vaut mieux être le Diable que rien du tout. Il est totalement absurde de vouloir dédiaboliser le FN, c’est comme vouloir rajeunir, c’est un voeu pieu», juge le vieil homme. Une nouvelle bravade face à la mort politique que lui souhaite volontiers son meilleur ennemi au sein du parti, Florian Philippot. Et probablement aussi face à la mort tout court, qu’il évoque désormais presque systématiquement.