Entretien avec Robert Ménard, maire de Béziers.
Les candidats que vous souteniez dans les trois cantons à Béziers ont largement gagné hier. Quel enseignement tirer de cette victoire ?
D’abord, une confirmation de ce que nous ressentions sans pouvoir le mesurer : notre action municipale suscite une large adhésion. Partout, nous progressons par rapport à l’élection municipale alors que nous avions contre nous tous les partis, la communauté d’agglomération, certaines forces économiques. Leur discours commun se réduisait à peu de chose : si vous votez pour les candidats soutenus par Ménard et le FN, vous isolerez votre canton. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont isolés. Le pire des isolements : ils sont coupés du peuple !
Ensuite, un constat qui découle de ce qui précède : l’alliance de cette crédibilité municipale et d’un vote national, principalement incarné par le FN, est réellement la formule magique pour espérer l’emporter partout et à toutes les élections.
Vous aviez pourtant subi, toute la semaine dernière, les leçons de la part des « républicains », y compris le Premier ministre : ça ne marche plus auprès des Biterrois ?
Ça n’a jamais beaucoup marché… Cependant, ces leçons de républicanisme sont dangereuses. Elles font courir un grand danger à la République. À force de prétendre, par exemple, qu’être contre l’immigration, c’est être antirépublicain, la gauche va finir par détourner de la République des millions de personnes.
Il ne faut pas accepter ce rapt de la République. Etre républicain n’est pas une religion révélée dont le prophète serait Jean Jaurès ou Manuel Valls. La France est une république, mais elle est d’abord la France. Il ne faut pas faire de la République une morale. Ce serait une faute.
Au niveau national, le FN n’a finalement réussi à gagner aucun département : c’est une déception ?
Oui, dans la mesure où une victoire aurait permis de briser une nouvelle digue, de dédramatiser la vie politique de ce pays, et donc de gagner du temps. Cependant, cette élection a une vertu : montrer le caractère obsolète de notre mode électoral. Quand un parti est le plus important d’un département, approche les 40 % mais que ce département est finalement géré par un autre parti qui représente moins de voix, est-ce vraiment… républicain ?
Le modèle biterrois est-il exportable ailleurs en France ou à un autre niveau ?
Je n’aurai pas l’outrecuidance d’imaginer qu’il existe un modèle ou une méthode dont nous détiendrions, seuls, le brevet. Il y a quelques règles, simples, à respecter : s’engager à fond, être sincère, dire la vérité aux citoyens, même quand il est plus simple de la taire. Nous aimons nos villes, mais nous ne sommes pas coupés du reste du pays. À quoi bon changer sa ville si la France s’écroule ? L’enracinement local est l’indispensable maillage territorial qui peut donner la victoire totale au camp patriote.