Les éditions du Cerf, maison catholique créée en 1929, possèdent depuis 1956 un best-seller qui leur assure des rentrées financières régulières : la Bible de Jérusalem. Les éditions Mame, maison catholique créée à Tours à la fin du XVIIIe siècle puis recréée en Belgique en 1975, désiraient depuis longtemps disposer aussi d’un tel best-seller biblique, qui stabilise la trésorerie. La difficulté, c’est d’une part qu’on ne crée pas à volonté un « classique » ; d’autre part qu’une telle entreprise demande au départ des investissements très coûteux : ce qui serait le contraire du but recherché.
C’est alors qu’a jailli une idée aussi simple qu’efficace. Il existe désormais, en effet, une version toute faite, qu’il suffit de reprendre. Cette version, c’est la « traduction liturgique officielle ». L’Association épiscopale liturgique pour les pays francophones (AELF) a en effet fait procéder à une traduction française, par une commission spécialisée, d’abord des textes bibliques utilisés dans la liturgie puis, en 2013, de la Bible tout entière.
Les éditions Mame, avec l’autorisation de l’AELF, ont donc édité ce texte, sous le titre le plus simple à imaginer, mais aussi le plus clair : La Bible. Bien sûr, pour chaque exemplaire, et contrairement aux éditions du Cerf, elles doivent verser des royalties à l’AELF mais, en revanche, elles n’ont fait aucun autre investissement que l’édition elle-même : ce qui est certainement une affaire intéressante.
Cette comparaison entre Cerf et Mame n’est ni fortuite, ni oiseuse : en effet, avec sa nouvelle Bible, Mame attaque non seulement le quasi-monopole de la Bible de Jérusalem, mais encore la spécialité où Cerf était jusqu’ici également sans concurrence : la Bible de poche. L’exemplaire de la Bible Mame que nous avons sous les yeux, dans un format 13 cm x 9 cm pour une pagination d’un peu moins de 2 300 pages, avec un papier bible et recouvert d’une solide couverture de plastique rouge, peut sans difficulté rivaliser avec celle du Cerf.
La typographie est lisible, le prix tout à fait raisonnable (moins de 30 euros, quand la Bible de Jérusalem vaut 34 euros) : elle deviendra donc bientôt un classique cadeau de communion solennelle (ce que fit mon père pour moi il y a maintenant bien longtemps, mais évidemment avec la Bible du Cerf).
Si la Bible Mame est toute fraîche sortie des presses, il n’en est pas de même pour le cardinal Etchegaray, qui a allégrement dépassé les 90 ans : il fut le patron des évêques français sous… Giscard, ce qui ne nous rajeunit pas. Et, depuis trente ans, il travaille à la Curie romaine, où il est vice-doyen du Sacré-Collège.
Le cardinal nous propose, assez curieusement d’ailleurs aux éditions de la Martinière (habituellement spécialisées dans les beaux livres), un recueil de billets spirituels de deux à trois pages, intitulé Avec Dieu chemin faisant. Il y a évidemment, dans ce court volume, « à boire et à manger ». On n’est nullement forcé de partager l’admiration de l’auteur pour Teilhard de Chardin (p. 108), ou sa facile dénonciation (p. 160) de la peine de mort (même s’il est tout à fait loisible d’y être opposé).
Mais quand le cardinal Etchegaray nous présente le péché originel (p. 62) ou le chapelet (p. 83), qu’il nous parle de Claudel (p. 105), de Péguy (p. 106) ou de saint Thomas More (p. 130), il ne manque ni de souffle, ni de pertinence.
Jacques Breil – Présent
La Bible – Traduction officielle liturgique, Mame, 2015, 2 240 pages.
Cardinal Roger Etchegaray, Avec Dieu chemin faisant, éditions de la Martinière, 2015, 176 pages.