On croyait le foie gras condamné par la communauté européenne. Car le gavage des oies était considéré comme une mesure barbare, qui ne se conformait pas aux normes du bien-être de l’animal. Et effectivement gaver une oie, puis lui prendre son foie pour le manger, voilà qui semble assez peu compatible avec son bien-être. Il y a des normes sur tout ce qui est important, à Bruxelles. Et bien évidemment une norme réglemente désormais le gavage des oies. Mais finalement cette norme considère que si l’animal est gavé en groupe au lieu d’être gavé tout seul dans son coin, son bien-être est désormais garanti. Ne cherchez pas à comprendre. Toujours est-il que, par le simple fait de gaver collectivement, les entreprises du secteur ont pu apaiser les états d’âmes des fonctionnaires européens, et sauver leur activité.
Le gavage peut donc se poursuivre. Et c’est tant mieux, car jamais le foie gras n’a eu autant de succès. En France, la consommation augmente régulièrement. Au même rythme que la consommation de champagne, par exemple. Ce sont des produits haut de gamme qui se généralisent, car ils sont désormais systématiquement associés aux fêtes et aux moments heureux.
Les oies sauvages vers le nord…
Mais l’exportation progresse aussi, au fur et à mesure que progresse la réputation de la cuisine française. 20 % du foie gras est désormais exporté. Le Japon est le premier consommateur de foie gras, après la France, bien entendu, mais devant l’Espagne. Le pays bénéfice d’un engouement pour la cuisine française, comme pour la musique classique, par exemple. De nombreux chefs japonais se forment à la cuisine française, et le foie gras est une composante importante de cette cuisine. Mais l’on trouve aussi le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, la Thaïlande, Taïwan, la Corée (du Sud, faut-il le préciser), et jusqu’au Mexique, parmi les pays importateurs de foie gras.
Les oies sauvages vers le nord
Leur cri dans la nuit monte,
Gare au voyage car la mort
Nous guette par le monde,
chantaient les soldats, sur le front de l’Est ou de par le monde…
A présent c’est le foie gras des oies domestiques qui se chante par le monde. Ce qui est évidemment moins romantique. Moins tragique, aussi. Sauf pour les oies.
Francis Bergeron – Présent