Une destruction d’église en plein Paris, à laquelle s’opposent des catholiques et des gens attachés au patrimoine religieux, avec le secours d’un prêtre : il n’en faut pas plus pour faire naître sur les réseaux sociaux une polémique reprise dans une certaine presse. L’abbé Guillaume de Tanoüarn, qui célèbre actuellement le dimanche à Sainte-Rita dans le XVe arrondissement de Paris, resitue le combat mené dans sa vérité.
— Monsieur l’abbé, vous célébrez en ce moment le dimanche, dans le rite traditionnel catholique bien évidemment, en l’église Sainte-Rita rue François-Bonvin à Paris (XVe). Depuis combien de temps et… pour combien de temps ?
— Je célèbre depuis quelques semaines – quand on aime, on ne compte pas ! Mais je suis arrivé un peu après la bataille, puisque cette église devait être détruite. Le promoteur ayant obtenu la promesse de vente a voulu la faire abattre par une société de démolition en passant en force. C’est le maire du XVe, Philippe Goujon, qui a empêché, au nom de la loi, la démolition de s’effectuer.
Pour combien de temps ? Je ne sais pas. La meilleure façon de défendre une église est de la faire vivre. J’ai reçu une demande de la part de l’association Communauté chrétienne Sainte-Rita du XVe, association de jeunes catholiques qui ne pouvaient pas supporter la perspective de la destruction d’une église en plein Paris, à l’heure où l’on construit tant de mosquées, et cela pour des raisons purement financières, comme si la primauté du spirituel n’existait plus dans notre société et dans une ville qu’on appelle « la ville lumière », notre chère capitale. Pour combien de temps ? Cela dépendra de la motivation des habitants du XVe et même des Parisiens en général, qui sont venus pour l’instant par le simple bouche-à-oreille. Cela dépendra aussi d’une campagne de levée de fonds que nous prévoyons pour mars-avril 2016, qui permettrait à l’association de sauver l’église en la rachetant à son propriétaire actuel.
Dans tout cela, je me veux personnellement au service d’un bâtiment en péril et d’une communauté catholique romaine qui s’est spontanément créée et qui, après le départ des gallicans et voulant sauver Sainte-Rita, était en quelque sorte en déshérence.
— Comment vous êtes-vous démarqué de vos prédécesseurs de « l’Eglise catholique gallicane » ? Ne craignez-vous pas un « amalgame », pour employer un mot à la mode ?
— Pas du tout ! Les gallicans sont partis, ils ont jeté l’éponge, et c’est parce qu’ils sont partis que j’ai accepté l’offre de laïcs qui avaient besoin d’un prêtre pour que cette église continue à vivre et ne soit pas détruite. Il n’y a aucune ambiguïté sur la forme catholique romaine de la liturgie célébrée à Sainte-Rita du XVe.
— L’assistance à Sainte-Rita, en plein après-midi du dimanche, est-elle nombreuse ?
— Je dis la messe à 16 heures, car c’est le seul créneau libre de ma journée du dimanche. Il est bien évident que je continue à célébrer la messe au Centre Saint-Paul, et à prêcher le matin et le soir. A ma grande surprise, cet horaire décalé ne faisant concurrence à personne satisfait plus que je ne m’y attendais la demande pratique d’un certain nombre de fidèles, et nous avons à la messe, pour l’instant, sans autre publicité que celle des réseaux sociaux, entre 60 et 120 personnes, selon les dimanches.
— Avez-vous pu déceler qui venait à Sainte-Rita entendre la messe ?
— Parmi les gens qui viennent, il y a d’abord d’anciens paroissiens qui, plus que des gallicans, sont des propriétaires de chiens ou de chats ! Existent aussi ceux que j’appelle amicalement les « zadistes » [occupants d’une « zone à défendre », ndlr] ; quelques chrétiens parmi les zadistes, mais aussi des incroyants ou des musulmans, qui se sont trouvés là début octobre et qui, assurant une permanence sur les lieux, rendent un service signalé à la cause de Sainte-Rita. Se trouvent enfin des catholiques du XVe et d’autres venant de plus loin. J’ai reçu hier un courriel d’une Québécoise qui m’encourageait en me disant sa douleur devant toutes les destructions d’églises, en particulier au Canada francophone, depuis 20 ans.
— Cette église n’a aucun lien avec l’évêché ?
— Le maire du XVe m’a garanti que l’église n’intéressait pas directement l’évêché. Par ailleurs, à Sainte-Rita, nous sommes, comme dit le pape François, aux marges de l’Eglise. Pour aller aux marges, il faut parfois – je le dis de tout mon embonpoint – des chevau-légers. C’est dans cette perspective que je me situe, pas du tout pour faire un Saint-Nicolas du Chardonnet bis – Saint-Nicolas est là, et bien là –, pas du tout non plus dans une perspective d’opposition d’autel à autel. Mais pour protéger un bâtiment chrétien qui a tout d’une église en plein Paris, et parce qu’on n’a pas le droit de laisser accomplir sa destruction sans rien tenter.
— Vous avez célébré une messe de minuit. Quel succès a-t-elle eu ?
— Ce fut une belle messe de minuit, avec soliste, orgue et chants de Noël populaires, qui s’est déroulée en même temps que la messe de minuit au Centre Saint-Paul, bien sûr. Pas question de déshabiller Paul pour habiller Pierre, ou le contraire !
— Quels sont les obstacles que vous rencontrez ?
— Pour l’instant, avant tout une campagne de diabolisation débile, née dans un street press et reprise dans les quotidiens gratuits en mal de copie. Dans cette campagne, on accuse ceux qui logent en permanence dans l’église pour la défendre d’être issus de l’extrême droite. Il suffit de les rencontrer pour constater la taille exceptionnelle de ce nouveau bobard de guerre ! En réalité, ce qui est touchant, c’est que, parmi ces zadistes, beaucoup ne sont chrétiens que de souvenir, ou se disent même incroyants. Mais ils refusent cette logique du profit au nom de laquelle on détruit une église pour construire des appartements et des logements sociaux. Si le profit est notre seul critère, toutes nos églises, à cette aune, sont en danger.
Propos recueillis par Anne Le Pape pour présent
Eglise Sainte-Rita, 27 rue François-Bonvin 75 015 Paris, métro Ségur, Cambronne, Sèvres-Lecourbe ou Volontaires.
Photo : L’abbé de Tanoüarn dans le chœur de Sainte-Rita, à la fin d’une messe dominicale.
Crédit photos : Anne Le Pape