Gabriele Adinolfi fut, dans les années 70, l’un des fondateurs du mouvement national révolutionnaire italien Terza Posizione. Accusé d’être l’instigateur de l’attentat meurtrier de la gare de Bologne en 1980, il dut vivre pendant 20 ans dans la clandestinité en France. Lavé de tous soupçons depuis la chute de la Démocratie chrétienne, il dirige aujourd’hui l’Institut Polaris à Rome. Son nouveau livre, Années de plomb et semelles de vent, vient de paraître dans la collection Les Bouquins de Synthèse, de notre ami Roland Hélie. L’ouvrage relate les vingt années de cavale de l’homme aux « semelles de vent ».
— Années de plomb et semelles de vent relate vos années de cavale. Tout commence le 2 août 1980, lorsqu’une bombe explose en gare de Bologne… Racontez-nous.
— Ce n’est pas facile puisqu’il s’agit d’un imbroglio qui relève à la fois du machiavélisme italien et de La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock.
Pour essayer de comprendre, il faut commencer par faire table rase de tous les lieux communs véhiculés sur l’Italie durant la période communément appelée « les années de plomb » (années 70 et début des années 80). La version imposée par le Parti communiste et par les gauchistes insinue la responsabilité des Américains qui auraient utilisé des nationalistes imbéciles pour freiner leur marche vers le pouvoir. Or les choses se sont déroulées bien autrement.
Les promoteurs internationaux de cette stratégie dite « de la tension » étaient des puissances étrangères à l’Otan (France, Israël, Allemagne de l’Est, URSS) qui réglaient ainsi leurs comptes sur la scène méditerranéenne. Les exécutants faisaient partie de l’Internationale trotskiste ou encore du Parti communiste et ils étaient protégés, je dis bien protégés, par Gladio, le réseau monté par les américains. Ceux-ci soutenant ouvertement dès le milieu des années 60 la participation des communistes au gouvernement italien.
— Et leur participation à un attentat…
— Le 2 aout 1980 à la gare de Bologne, nous savons maintenant que ce sont deux gauchistes qui portaient la bombe qui fit, rappelons-le, 81 morts et plus de 200 blessés. Mais très vite, le pouvoir et les médias aux ordres s’empressèrent d’attribuer la responsabilité de ce carnage au mouvement national-révolutionnaire Terza Posizione dont j’étais l’un des fondateurs. Nous étions les parfaits boucs émissaires puisque nous étions les seuls en Italie à ne pas avoir de parrains au sein de l’oligarchie en place.
C’est alors qu’a commencé une terrible chasse aux sorcières qui obligea plusieurs dizaines de militants à choisir entre la prison (certains y sont restés plus de dix ans) et l’exil. Pour ma part, j’ai opté pour la seconde solution. S’ensuivit « une cavale » à travers l’Europe et surtout à Paris qui dura près de vingt ans.
Les services secrets italiens tentèrent à trois reprises de me faire inculper pour le massacre de Bologne. Lors de la première tentative, ils bénéficièrent même du soutien de la CIA dans leur démarche. Tout cela est raconté dans le livre pour lequel vous m’interrogez ainsi que dans mon précédent ouvrage intitulé L’orchestre rouge, édité chez Avatar en 2013.
Quoi qu’il en soit, il fallut attendre la chute de la Démocratie chrétienne au milieu des années 90 pour que toutes les charges qui pesaient contre nous soient levées. La déroute de la Loge P2 – dont faisaient partie tous les dirigeants des services secrets italiens – fit qu’ils passèrent aux aveux et qu’ils furent condamnés. La justice italienne de l’époque démocrate chrétienne avait des points communs avec la justice stalinienne. Aujourd’hui je retrouve les mêmes similitudes dans la justice grecque qui s’acharne contre les dirigeants de l’Aube dorée.
— La cavale est un luxe exigeant, les voyous multiplient les « casses » pour tenir, alors comment avez-vous pu financer ces années d « errance », quels ont été vos moyens d’existence ?
— La cavale n’est pas vraiment un luxe. Elle est surtout une école qui vous apprend à la fois à vivre frugalement, à accepter la précarité de la vie, qui est précaire par définition malgré nos exorcismes quotidiens, et, enfin, à porter un regard détaché, à la fois ironique et métaphysique, sur l’existence.
Arrivé en France, nous ne pouvions compter que sur l’aide de nos proches et sur la solidarité des réseaux nationalistes. Mais très vite nous dûmes nous organiser et, grâce à l’aide de camarades français qui ont servi de paravents, nous avons créé une entreprise spécialisée dans le tourisme international. Il faut dire que d’autres militants néo-fascistes s’étaient réfugiés en Angleterre et en Espagne ce qui fut utile pour cette entreprise. Rassurez-vous : aucun braquage pour vivre, à notre actif !
— En France on vous attribue la paternité de la Casa Pound, est-ce la réalité ?
— C’est plutôt flatteur. La Casa Pound a été créée par Gianluca Iannone et je n’en ai jamais fait partie. En revanche, j’ai toujours gardé une relation spéciale et préférentielle avec cette organisation dans laquelle milite d’ailleurs mon fils. J’ai la prétention tout de même d’avoir un peu contribué à en forger la mentalité et à orienter la formation de ses cadres. Je me surestime peut-être, ou je me fais plaisir, qui sait ?
• Années de plomb et semelles de vent, Gabriele Adinolfi, Les Bouquins de Synthèse nationale, 200 pages, 24 € (+ 3 € de port) à commander à Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris (chèque à l’ordre de Synthèse nationale).
Lu dans Présent