Un éditeur pas très éloigné de Présent faisait récemment part de ses inquiétudes sur l’avenir du livre papier. Vous connaissez la chanson : les gens ne lisent plus. Et quand ils lisent, c’est presque uniquement sur e-book, c’est-à-dire sur écran. Ce type de description apocalyptique par un éditeur se termine presque invariablement par l’évocation de l’impossibilité de verser les droits d’auteur prévus dans le contrat…
Les dernières études sur le modèle économique du livre (et même du journal) viennent passablement contredire ce ressenti.
Sur le plan de la vente de livres, il faut d’abord constater qu’au global il s’imprime et se vend au moins autant de livres qu’avant les nouvelles technologies. Mais il est vrai que le livre utile, le dictionnaire, l’encyclopédie, le guide, sont en fort recul. Pour le coup, le Net procure en effet une masse d’informations gratuites et accessibles plus rapidement, même s’il y a des risques d’erreurs (erreurs, intentionnelles ou non, que l’on retrouve d’ailleurs dans les livres, aussi).
Avant cette révolution technologique, écrire par exemple un article dans Présent prenait deux à trois fois plus de temps qu’aujourd’hui, car il fallait vérifier les dates, les références, les éléments biographiques, l’orthographe, en particulier celui des noms propres. Cela prenait un temps fou. Une fois son article écrit, au moins dans les grandes lignes, chaque journaliste plongeait le nez dans le Coston, le Robert, Le Larousse, le Quid, le Who’s who, les Que lire ? de Jean Mabire, quand ce n’était pas dans la collection de Présent. Aujourd’hui, les correcteurs d’orthographe et une navigation sur le Net répondent à l’essentiel de vos questions.
Mais d’autres types de livres maintiennent leurs ventes, voire les augmentent, en particulier le livre pour enfant, la bande dessinée adulte ou enfant, le beau livre-cadeau, l’essai en lien avec les événements politiques ou géopolitiques du moment.
Ce qui a vraiment changé, c’est le modèle de diffusion du livre : les librairies de quartier sont en perdition (encore que, là aussi, venue des Etats-Unis, une réaction s’amorce). Amazon rafle la mise. La seconde jeunesse des livres se manifeste à travers les réseaux de revente. Une grande partie de ce commerce se passe de façon quasiment invisible. Et du même coup, nous pouvons avoir le sentiment que le livre papier ne se vend plus.
Le livre virtuel est en recul partout
Non seulement il continue à se vendre, mais les dernières études montrent un net recul des e-books et autres liseuses. Il y a quelques années, les analystes pariaient sur une forte baisse de la demande de livre papier, voire une disparition à échéance de dix ans, peut-être. Mais c’est aujourd’hui le livre virtuel qui est donc en recul partout, à commencer par les USA. Quant à la France, la formule de la liseuse n’a jamais pris. Les entreprises qui se sont placées sur ce créneau (FNAC et autres) en savent quelque chose. Le e-book n’y représente que 3,5 % des ventes de livres.
Apparaît en effet un nouveau phénomène, qui n’avait pas été pris en compte par les analystes : plus l’homme actif passe de temps devant son écran, pour des raisons pratiques ou professionnelles, et plus la lecture de loisir et de plaisir redevient un monopole du livre papier. Les éditeurs papier retrouvent donc actuellement le sourire.
Et la France présente un fort potentiel de croissance dans ce domaine : chaque Français ne dépense que 59 euros par an dans les achats de livres, très loin derrière les Norvégiens, les Américains, les Anglais, et surtout les Allemands (117 euros par an et par habitant). La France se place au niveau de la Corée du Sud. Quant au marché chinois (un tiers des habitants de la planète), il a progressé de 45 % ces huit dernières années.