Tribune libre de Vianney Ronin*
Pour savoir ce qui s’est vraiment passé lors de l’audition des représentants des grandes religions devant la Commission parlementaire chargée du projet de loi sur le fameux « mariage pour tous », on peut lire avec profit l’article du Figaro, qui montre bien que cette audition n’a été qu’une parodie de « démocratie » fort peu soucieuse de la voix des religions (cf. aussi la vidéo de l’audition). L’article de La Croix, en revanche, laisse à désirer, car il peut faire penser qu’il s’est agi d’une rencontre aimable entre ces religieux et des députés accueillants, et surtout très bienveillants à leur égard. Or, il n’en fut rien. Que s’est-il donc passé ? On a mis en face de la « représentation nationale » les six représentants des religions et, tout en feignant d’être courtois, on leur a fait comprendre qu’on leur faisait en quelque sorte « l’aumône » d’un temps de parole. Les interventions de cinq religions sur six, qui aboutissaient à la même conclusion négative concernant le projet de loi, ont été remarquables : notons en particulier celle du Cardinal André Vingt-Trois (bien relatée dans l’article de La Croix) qui a dû vivre un moment très pénible. Il fut « accueilli » par un comité d’accueil agressif et vulgaire, qui l’attendait à son arrivée à l’Assemblée… et surtout, il a dû supporter les attaques plus qu’insidieuses des députés de gauche, ce qui faisait spontanément penser à ce mauvais spectacle, désormais bien connu : « les chrétiens jetés aux lions dans le cirque médiatico-politique »… Les autres déclarations des représentants des religions furent de la même veine. Après l’intervention très claire et de qualité du pasteur protestant, l’évêque orthodoxe a présenté un panorama très complet de la question, sur un ton mesuré, et il n’a pas hésité à prononcer le nom de Dieu et à parler de la prière, dont il a assuré les parlementaires eux-mêmes (dans ces murs…). Il en fut de même du grand rabbin de France, qui avec un ton incisif, a développé d’excellents arguments juridiques montrant que la loi est devenue inutile, eu égard à la jurisprudence actuelle et récente… ; enfin, on a pu noter la même position négative et sans ambiguïté du représentant des musulmans à l’égard du projet de loi… La seule voix discordante est venue de la « représentante » du bouddhisme, qui, de fait, a expliqué qu’elle ne représentait qu’elle-même… et qui a donc rompu cette unanimité des religions en renvoyant chacun à sa conscience, (« avec finesse », affirme La Croix : vraiment ?) ; en réalité, elle a révélé le vrai visage du bouddhisme (sous son faux air de tolérance) et les raisons d’un certain succès de cette religion dans quelques milieux marqués par l’individualisme et le relativisme. D’ailleurs, le député E. Binet ne s’y est pas trompé puisqu’au début de sa propre intervention, il a loué les propos « équilibrés » de la bouddhiste, qu’il a opposés aux interventions qualifiées de « pessimistes » des autres religions. E. Binet a ensuite posé deux questions… puis, il suffit de lire l’article du Figaro – et surtout de regarder la vidéo – pour se rendre compte qu’au lieu de donner la parole à leurs interlocuteurs, les députés de gauche se sont succédés au micro… La vidéo semble bien montrer que, le député de l’Ain, Xavier Breton, membre de l’Entente parlementaire pour la Famille, ne s’est pas exprimé, laissant la place aux seuls députés de gauche, particulièrement virulents, qui, eux, ne se sont pas privés de parler. Plus que des « questions », il s’agissait de véritables interventions, souvent longues, c’est-à-dire des attaques insidieuses, voire frontales contre… l’Église catholique. De fait, bien évidemment, c’était surtout elle qui était visée – il est vrai qu’on hésite à s’en prendre aux autres religions : juifs et musulmans pour les raisons que l’on sait… -, ce qui tend à montrer qu’elle est encore assez présente pour provoquer cette… haine. De fait, les mots « aversion » ou « hostilité » ne conviendraient pas pour décrire ce à quoi on a assisté, avec un mélange de stupeur et d’effroi. En réalité, il s’agissait du traditionnel et sempiternel règlement de compte des héritiers des soi-disant fils de Voltaire contre Celle que ce dernier appelait l’« l’Infâme ». On a, par exemple, entendu telle femme, député socialiste, lire une déclaration d’un catholique, membre d’une obscure association dissidente, opposé aux évêques et à leur enseignement (de quoi se mêle-t-elle ?). Puis ce fut la longue intervention du radical de gauche Alain Touret, député du Calvados, à la fois juge et partie – son intervention « mérite » d’être vue, car c’est le comble de la haine… – en accusateur public genre Fouquier-Tinville, suivi par un autre député, qui a d’abord fait preuve de courtoisie et de « tolérance » feintes, avant de monter au créneau sur un ton de plus en plus véhément. Où étions-nous ? Devant le tribunal révolutionnaire ? La conclusion appartint au Cardinal Vingt-Trois, demeuré impassible, dont la réponse, en quelques minutes – celles qu’on lui avait accordées – fut particulièrement lumineuse.
*Vianney Ronin est expert des religions.
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