La Maternelle de Léon Frapié, 1904

Et si vous lisiez le Goncourt 1904, deuxième du nom ?

Rose poursuit de brillantes études classiques et se fiance.

« Mon fiancé avait le profil chevaleresque d’un Louis XIII adouci, et sa conversation mettait en poésie les plus ordinaires circonstances de la vie. J’éprouvais auprès de lui une exaltation heureuse, tout en pensée.

 Or mon père mourut subitement de l’issue désastreuse d’une affaire d’argent.

 Je me trouvai, du jour au lendemain, orpheline, pauvre, délaissée, car la poésie de mon fiancé ne survécut pas à la perte de ma dot ».

Il faut vivre. Rose trouve un emploi de femme de service à l’école maternelle de la rue des Plâtriers dans le XXème arrondissement de Paris et cache soigneusement diplômes et culture, symboles de sa déchéance.

Afin de s’entretenir intellectuellement, elle tient un journal après ses quatorze heures d’un travail harassant. C’est la lecture de ce journal imaginaire qui nous est proposée.

« L’école est dans une rue pauvre d’un quartier pauvre » et Rose va découvrir la misère, la faim, l’alcoolisme, les lourdes hérédités, bref tout ce qui fait la vie des pauvres dans le Paris de 1900.

Malgré le thème choisi, le roman ne verse jamais dans le sordide. Rose s’adapte, évite le sentimentalisme (elle se surprend même parfois à une certaine dureté) et capte la confiance des enfants. Elle saisit leur résignation, parfois étrange, face au malheur et dans son épuisement abrutissant cherche à comprendre comment agir au mieux. Quotidiennement elle est confrontée à des situations inattendues, cocasses ou tragiques. Elle observe aussi avec finesse le fonctionnement de l’école, machine administrative décalée par rapport à la gestion de l’impossible.

Léon Frapié nous donne là un superbe roman. Il évite avec brio les écueils de la complaisance ou de la pitié et nous fait entrer dans un monde inconnu.  Son personnage central est d’une densité rare tout en étant d’une grande fragilité, et nous vivons cette histoire avec elle.

Vous ne l’oublierez pas.

Bien négligé aujourd’hui, Léon Frapié a tout de même sa rue dans ce XXème arrondissement qu’il aimait tant et c’est justice.

Pas de réédition récente, mais facile à trouver d’occasion sur les sites de vente en ligne.

 

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