Georges Mathieu ou l’abstraction lyrique…

« L’esprit réduit à deux dimensions : la raison et les sens. Le Cosmos ramené à la mesure de l’homme. Telle m’apparaît la Grèce dont le ciel n’est guère beaucoup plus haut que les colonnes .En revanche il est bleu. » Voila comment le peintre Georges Mathieu décrivait l’affiche de la Grèce réalisée pour Air France, dans le cadre d’une série d’illustrations sur les escales de la compagnie. L’exposition qui leur est consacrée au Grand Palais, à l’intitulé pour le moins malvenu, « France in the air » (sic), nous rappelle qu’il fut un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître… Un temps où Air France nous donnait envie de décoller plutôt que d’enrager, de nous envoyer “in the air” plutôt de cocooner, mais également de savourer l’insolent talent d’un Georges Mathieu conviant l’art dans la vie quotidienne, avec la pièce de 10 francs, le logo d’Antenne 2, le timbre à 2 francs, etc. , mais qui s’en souvient encore ?.

Cherchez l’erreur : Georges Mathieu, après son heure de gloire dans les années 70, restera toute sa vie un solitaire, fidèle à ses convictions, se proclamant en dehors de toutes les modes, hautement réactionnaire, catholique convaincu et monarchiste résolu. J’ai eu le privilège de le rencontrer à deux reprises dans son appartement de l’avenue Léopold II à Paris où, en guise de sièges ou de fauteuils, il n’y avait que des trônes, en pierre ou en bois, et aux murs des tableaux de Louis XIV, des fleurs de lys… Et pourtant ce dandy affublé d’incroyables moustaches, ce « Salvador Dali de droite », était éminemment moderne et même en avance sur son époque. Initiateur de l’action painting américaine en France et précurseur du happening, sans “moquette” ni ketchup, Georges Mathieu privilégiait un art libéré de tout classicisme qu’il nomma l’Abstraction Lyrique..

« Il n’est jamais aussi inspiré, disait de lui Véronique Prat dans le Figaro, que lorsqu’il peint en public, drapé dans une cape méphistophélique, devant des spectateurs ébahis. En quelques heures, il remplit d’immenses espaces de signes d’orage, de signes de feu, de signes de vie. Il écrase le tube de couleur sur la toile puis achève sa composition par de grandes arabesques tracées au pinceau. ».
Considéré comme le peintre « le plus rapide du monde », cet adepte du « tachisme » donnera à ses toiles des noms pourtant sans équivoques :- Hommage à Louis XI (1950), Hommage au maréchal de Turenne (1952), Les Capétiens partout (1954), La Victoire de Denain (1963). L’annonce de sa disparition, le 10 juin 2012, n’aura pas les honneurs de la chaine dont il avait conçu le logo. Il est vrai que les fesse-mathieux de l’art officiel et du fast-food culturel l’avaient enterré depuis longtemps. Je voulais rappeler sa mémoire et lui rendre hommage à l’occasion de cette exposition au Grand Palais qui, contrairement à la grève des pilotes d’Air France, mériterait elle, sans l’ombre d’un doute, d’être prolongée.

Lu sur Boulevard Voltaire

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