Terminé les clandestins, les migrants, les réfugiés, voici les déracinés!(NDLR) Alors que l’Europe fait face à l’une de ses pires crises migratoires, les 71 Syriens morts asphyxiés dans un camion abandonné sur une autoroute d’Autriche rappellent le destin tragique des nombreux immigrés qui traversent la mer en quête d’une nouvelle vie. Mediterranea, premier long-métrage de Jonas Carpignano sorti mercredi 26 août, s’intéresse aussi au sort de ses déracinés.
Présenté à la Semaine de la Critique lors du dernier festival de Cannes, le film avait accroché l’œil, par son format, un réalisme proche du documentaire, et son histoire, celle de deux burkinabais quittant leur pays pour rejoindre le Sud de l’Italie. Plus que le périple, c’est leur adaptation à ce nouvel environnement qui s’avère difficile.
“Cela fait cinq années que je vis maintenant avec les immigrés qui débarquent dans le sud de l’Italie”, raconte le réalisateur interrogé par Le HuffPost. “Ici, l’immigration n’est pas une actualité ponctuellement à la Une des journaux mais la réalité du quotidien. Sur Sky TG24 (équivalent local de BFM TV), il se passe tous les jours quelque chose liés aux migrants.”
Mediterranea a été tourné à Rosarno, en Calabre, lieu des premières émeutes d’immigrés en 2010. Jonas Carpignano décrit sa rencontre avec Koudous Seihon qui joue “presque son propre rôle”, celui d’Ayiva, le personnage principal.
“C’était l’anniversaire des émeutes et je voulais faire mon casting dans la rue. Il y avait une grand marche organisée pour soutenir les immigrés et il est apparu avec un mégaphone. Il était charismatique, commandait la marche, parlait cinq langues différentes et sortait du lot. Son énergie était captivante. Cette force lui a servi à l’écran.”
Mediterranea s’attarde sur l’accueil réservé à ces réfugiés par la communauté locale. Une hostilité dont a été témoin Carpignano. “C’est une violence qui est déclenchée par la peur et l’incompréhension. ‘Vous êtes dans mon pays et vous me piquez le peu de ressources que j’ai’. Une réaction qui résulte aussi du changement massif qui a eu lieu dans ces petites villes.”
“C’est un phénomène encore jeune”, poursuit le jeune cinéaste italo-américain. “Sur le plan de la perception, il y a des choses qui changent. Dans le film, il y a une scène où des gamins attaquent les migrants. Ce sont les mêmes individus qui m’ont agressés moi et Koudous il y a quelques années. Sauf qu’à force de connaître Koudous, de fréquenter les mêmes cafés, ils ont fini par le considérer comme un être humain et une personnes. Ils sont même devenus amis.”