L’été réserve aux cinéphiles quelques bonnes surprises : cette année, la sortie de la version restaurée du film d’Ozu – maître du cinéma japonais des années précédant et suivant la Seconde Guerre mondiale – inédit depuis 25 ans sur grand écran, Herbes flottantes. Le propre du réalisateur est de s’attacher à analyser les sentiments qui relient ou éloignent les êtres, toujours par petites touches, utilisant pour cela les détails de la vie quotidienne, souvent au sein d’une famille.
Celle qu’il évoque dans Herbes flottantes est un peu particulière, puisqu’elle met en scène (sans jeu de mots) celle de Komajuro, acteur principal d’une troupe de comédiens ambulants. Son activité même lui interdit précisément tout lien stable. Au cours de ses pérégrinations, il revient, après un long laps de temps, dans un petit port où il a eu un fils avec une villageoise. Mais son actrice « phare », qui est également sa maîtresse, prend ombrage de ce passé qu’il lui cache et nourrit une vengeance de son cru… qui ne tournera pas tout à fait comme elle l’espérait.
On peut dire d’Ozu que le thème lui tenait à cœur puisqu’il a tourné une première fois le film en 1934, muet et en noir et blanc, sous le titre Histoire d’herbes flottantes (disponible dans les coffrets DVD reprenant les œuvres du réalisateur). Mais il a tenu à en réaliser cette version en couleurs en 1959. Les tons, les cadrages, les jeux de couleurs et de lumière, tout concourt à présenter un véritable chef-d’œuvre.
L’action se situe « 12 ans après la capitulation », c’est-à-dire en 1957. Il s’agit donc d’un Japon aussi disparu sans doute que notre France de ces mêmes années mais, précisément par son caractère encore très marqué, il nous touche particulièrement et fait mieux ressortir que les sentiments qui animent les hommes – amour, jalousie, charité… – sont les mêmes d’un continent à l’autre.
Anne Le Pape – Présent