Avant d’aborder le volet militaire de l’affaire Benalla, pouvez-vous nous décrire ce qu’est la réserve opérationnelle ?
Colonel Jacques Hogard : Il y a deux types de réserve. La réserve opérationnelle qui nous intéresse ici, et la réserve citoyenne.
La réserve citoyenne est une distinction honorifique attribuée à des gens d’un certain niveau universitaire, de formation ou d’expertise suffisant pour être déclaré officier supérieur par exemple.
Ici, dans cette affaire, il s’agit bien de la réserve opérationnelle. Elle est composée de deux niveaux, la réserve opérationnelle de premier niveau composée de tous les citoyens français volontaires avec ou sans passé militaire, et la réserve opérationnelle de deuxième niveau composée de tous les militaires d’active, car ils sont soumis à un devoir de disponibilité de 5 ans après leur départ.
Cette réserve opérationnelle fait partie de la Garde nationale, ce qui mérite encore d’être un peu précisé dans sa réalité concrète.
Pour ce qui est de notre ami Alexandre Benalla, si tel est son identité réelle, ce qu’il faudra quand même vérifier, il semble qu’il ait été recruté dans le département de l’Eure à côté d’Évreux comme simple gendarme adjoint de réserve il y a environ une dizaine d’années.
Est-il théoriquement possible de passer de brigadier à lieutenant-colonel sans passer par les autres grades ?
La loi le permet dans des cas particuliers, mais dans les faits, ça ne se fait pas avec des individus de cet âge-là et qui n’ont pas de formation. Une loi de 1999 a modifié l’organisation de la réserve pour permettre de piocher dans le monde civil des experts de haut niveau et de leur donner sous l’uniforme un grade équivalent à leurs responsabilités dans le civil.
Ici, ce n’est pas du tout le cas. On a affaire à un jeune homme qui n’a d’autre formation que celle de garde du corps dans une société de sécurité privée. Il s’est retrouvé propulsé à une vitesse grand V dans des conditions ahurissantes. Je crois qu’on peut raisonnablement parler d’une imposture. Benalla n’a aucune qualification. Je crois que la qualification officielle avec laquelle il aurait été recruté à ce grade de lieutenant-colonel serait la sécurité des installations. Or, je pense qu’il n’a aucune formation en matière de sécurité des installations, ou en tout cas aucune formation justifiant un grade de lieutenant-colonel.
Comment les militaires ont-ils réagi ?
Je pense que cela a choqué profondément les cadres d’active ou anciens cadres d’active dont je fais partie. Je prends pour exemple la réaction très vive et directe du colonel Gallois, ancien commandant du GIGN. Il rappelle dans un tweet rageur qu’il lui a fallu une carrière intense de 25 années pour passer lieutenant-colonel de gendarmerie, au prix de Saint-Cyr et de nombreux stages.
Ces gens-là sont choqués. Ils sont indignés qu’un self-made-man de 26 ans, seulement parce qu’il est le garde du corps du Président, puisse se retrouver bombardé chef adjoint de cabinet sans aucun titre à l’Élysée et à partir de là puisse démarrer une carrière tout azimut notamment dans le monde de la gendarmerie. C’est sidérant. C’est une imposture. Tout cela est évidemment mal pris par la communauté militaire, à laquelle j’associe évidemment mes camarades gendarmes.
Propos du colonel (er) Jacques HOGARD recueillis par Boulevard Voltaire
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