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Dans les couloirs de l’Assemblée, les manières de François de Rugy font jaser. En cette période de disette budgétaire et d’injonctions à se serrer la ceinture, au Parlement, élus et fonctionnaires s’avouent parfois désarçonnés par certaines dépenses effectuées par leur président, l’ancien écologiste propulsé quatrième personnage de l’État en juin 2017. Disons le tout net : elles n’ont rien d’illégal. Mais à l’heure où le « nouveau monde » affiche ses exigences de probité, à l’heure où le couple présidentiel s’enorgueillit de régler ses dépenses personnelles, ces petits extras interpellent. Et font bruisser ces couloirs où tout se sait, et où l’on ne pardonne rien.
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François de Rugy (LRM), député de Nantes Orvault et président de l’Assemblée nationale, veut faire la révolution au Palais-Bourbon. Parmi les pistes sur lesquelles il travaille figure le volet évaluation et contrôle de l’action gouvernementale. « Aujourd’hui, les moyens de contrôle et d’évaluation de l’Assemblée et du Sénat sont extrêmement faibles et c’est pourquoi je soutiens totalement l’idée d’une agence parlementaire d’évaluation. Nous avons deux possibilités. Soit, et c’est ma préférence, nous obtenons la tutelle d’un organisme existant, en l’occurrence France Stratégie, aujourd’hui sous la houlette du Premier ministre. Si ce n’est pas le cas, nous n’abandonnerons pas : nous créerons notre propre agence. » (Les Échos, mardi 26 juin 2018).
Donc, si on comprend bien de Rugy, aujourd’hui députés et sénateurs n’auraient pas les moyens d’effectuer ce travail d’évaluation et de contrôle. Pourtant, depuis la fin du cumul avec les fonctions exécutives, les parlementaires peuvent œuvrer à temps complet dans leur assemblée et examiner les dossiers présentés par le gouvernement avec un incontestable zèle. D’autant plus que chaque député embauche entre un et cinq collaborateurs (assistants parlementaires) pour l’épauler dans sa tâche ; pour cela il dispose d’un crédit de 9 700 euros.
À cette petite armée s’ajoute celle des groupes ; chacun possède en effet un secrétaire général – personnage politique – avec une équipe de collaborateurs.
Un personnel pléthorique et peu « dynamique »
Enfin, cerise sur le gâteau, le Palais-Bourbon compte 1094 fonctionnaires et 184 contractuels – dont 29 pour la seule présidence (Le Canard enchaîné, 4 juillet 2018) ; ils sont dirigés par un secrétaire général « administratif » (Michel Moreau) grassement payé : 17 300 euros net par mois. Or tout visiteur de cette grande usine qu’est l’Assemblée nationale remarque immédiatement que le personnel y est pléthorique et peu « dynamique » – doucement le matin, pas trop l’après-midi, telle est la devise de la maison.
Pour toutes ces raisons, les moyens humains existent pour effectuer cette mission de contrôle. Inutile de créer une « agence » qui viendrait alourdir les dépenses de l’État. Car qui dit « agence », dit embauche immédiate d’une nouvelle armée de collaborateurs « dynamiques ». Or, dans les sphères gouvernementales, on rêve de réaliser des économies ; en effet le rapport CAP 22 (« Comité action publique 2022 ») – commandé par Édouard Philippe – propose de réduire de 30 milliards d’euros les dépenses publiques (Le Canard enchaîné, 20 juin 2018).
D’après Florian Bachelier (LRM), député de Rennes – Saint-Jacques-de-la-Lande et premier questeur de l’Assemblée nationale, « en 2017, les charges de personnel représentaient quelques 175 millions d’euros, sur un budget total de plus de 550 millions » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, mardi 29 mai 2018). Avec son « agence », de Rugy n’irait pas dans le sens des économies mais bien dans celui des dépenses nouvelles.
B. Morvan
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