Depuis quelques décennies, l’idéologie dominante nous dessert une comédie météorologique par la voix des médias, qui met mal à l’aise par son aspect infantilisant.
Depuis des décennies, le temps qu’il fait est devenu une obsession des médias. On a droit à la radio et sur les chaînes TV à un bulletin toutes les heures sur le temps qu’il fait. Si les Français constituaient toujours une nation d’agriculteurs, cela se comprendrait. Et encore, il y a un siècle, nos paysans (=nos ancêtres) n’avaient pas besoin de service météo. Ils savaient déchiffrer la nature (le ciel, le vent et les comportements animaux). Mais alors ?
Héliotropisme américain
Il s’est passé un événement majeur depuis 1945. Après sa guerre fratricide, l’Europe s’est soumise à un puissant modèle culturel pour pouvoir sauvegarder sa liberté : le mode de vie américain. Il s’est imposé par son succès matériel évident (consommation de masse) qui a séduit tant d’esprits, aigris par le caractère étriqué de nos modes de vie traditionnels et éloignés de plus en plus des religions déclinantes du vieux continent.
Un des effets les plus percutants du modèle US est cette exaltation du bien être physique qui ne peut vraiment s’épanouir qu’au soleil. Le Sud est glorifié et le Nord honni. Avec le développement de l’automobile, le grand mouvement vacancier se dirige vers les plages bondées du Midi. Cet état de choses a été consacré par la formule californienne “Sea-Sex-Sun”, adoptée universellement durant les Trente Glorieuses. Elle cantonne définitivement les rêveries métaphysiques et les pensées maussades dans les terres froides et pluvieuses, là où les “gens branchés” ne vont jamais.
Comme l’automne et l’hiver persistent toujours, beaucoup d’esprits jouisseurs aux idées courtes s’en désolent. Ils oublient que la pluie est bénéfique à l’agriculture, donc à la vie. D’ailleurs, quel étrange paradoxe de savoir qu’il y a de moins en moins de paysans en France alors que nos magasins regorgent de victuailles ! Mais cela est un autre problème.
Quel temps fait-il ?
Si parler de la pluie et du beau temps est une méthode convenue pour meubler une conversation aléatoire, on observe depuis que notre société est pilotée à court terme (disons depuis les années 80) des tentatives pour fixer l’attention des gens sur des sujets très éloignés de la politique. Mais peut-être pas tant que ça. Le bavardage des radios du matin mélange des sujets politiques qu’on va dédramatiser (ex. l’immigration) et des sujets sociétaux qu’on dit porteurs d’attente (ex. l’extension de la PMA), le tout ponctué par “le temps qu’il fait”.
Ce matraquage monotone revêt une intensité particulière lors d’épisodes plus accentués :
– le froid : Après plusieurs hivers d’opérette (à peine un ou deux jours de neige ou rien du tout), un temps plus rigoureux surprend. C’est la panique sur les autoroutes et le journal TV bloqué pendant une heure sur le sujet, avec des discussions interminables sur le pourquoi et des reportages en boucle sur des scènes édifiantes. On se souvient de l’hiver 2010 où une présentatrice météo s’est écriée : “Vivement le printemps”. Oui, dans une société dominée par le principe de plaisir, le mauvais temps dérange !
– le chaud : Certains rêvent d’un été éternel. De vraies vacances se passent dans un pays lointain où l’on vit en maillot de bain. Mais les hivers de faible intensité sont maintenant la règle. Et “à la télé”, chaque année, on a droit au marronnier : on s’extasie sur la douceur du temps en nous montrant un vacancier du côté de Montpellier, faisant trempette en novembre et s’exclamant ” que du bonheur”. Peut-être est-ce toujours le même chaque année.
– la canicule : Le réchauffement climatique est certain, quelles qu’en soient les causes, l’origine anthropique étant difficile à évaluer. Les pouvoirs publics atermoient pour prendre de véritables mesures, préférant des discours idéologiques et incapables de s’extirper du modèle ultra libéral (bétonnage et consommation de produits lointains). L’humanité y est condamnée pour plusieurs générations. Toutefois, ce contexte pénalise le slogan “il fait beau, il fait chaud”.
Depuis la canicule de 2003, où l’imprévoyance des pouvoirs publics a coûté la vie à de nombreuses personnes, une communication se fait insistante et finit par déranger par des conseils bêtifiants sur ce qu’il faut faire par grandes chaleurs. On nous parle comme à des enfants. À croire que nous n’avons aucune expérience de la vie. Nos anciens ont-ils tout oublié ou est-ce que leur parole n’a plus de valeur ? D’instinct (de vie), ne sait-on pas ce qu’il faut faire ou avons-nous perdu tout bon sens ? Il faut donc écouter les bons conseils du ministère chargé des pouvoirs publics sans sourciller.
Le gouvernement nous dit tout, en toutes circonstances, sur ce qu’il faut faire dans la vie. Surtout dans les moments dramatiques (attentats) où l’on doit devenir très peureux. Les valeurs d’autrefois, courage, réactivité, esprit de riposte sont à écarter. Un cas comme le colonel Beltrame, il a bien fallu le gérer, l’expliquer comme quasi surnaturel. Heureusement, c’était un militaire, donc un marginal !
Cette infantilisation montante a bien été analysée par divers auteurs. Dans le Figaro du 27 juin, Olivier Babeau a parlé à juste titre d’État-nounou pour qualifier la prévenance trop pressante des services publics. C’est blessant pour les citoyens, mais c’est malheureusement vrai et “nos élus” y ont largement contribué. L’État conseille avec insistance avant, peut-être bientôt, de contraindre. Même sur des sujets anodins c’est grave, car c’est un dressage des esprits selon la méthode orwellienne.
Albert Tureveux – Polémia