Tugdual Derville, Alliance VITA a fait une campagne visant à informer les Français sur les directives anticipées. Vous vous êtes aperçus, au cours de cette étude, que les Français étaient très peu informés sur ce sujet-là. Pouvez-vous nous expliquer ce constat ?

Dans le sondage que nous avons fait avec L’IFOP, 14 % des Français seulement affirment avoir rédigé leurs directives anticipées.
Cela signifie que 86 % ne l’ont pas fait. Une partie de ceux-là ignore ce dispositif, en a peur ou n’a pas envie de le faire.
La mort n’est pas un sujet tabou depuis bien longtemps.
Nous expliquons aux Français qu’il est important de se saisir de ce sujet et qu’ils adhèrent.
Pour ce faire, nous leur proposons une charte ainsi qu’un livret qui proposent des directives anticipées qui récusent à la fois l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie.
C’est un dispositif rassurant, très pédagogique, adaptable et appropriable.
C’est aussi un moyen de surmonter ses angoisses légitimes à l’approche de la fin de vie, en particulier lorsqu’on ne sait pas comment on va être traité.

Les personnes âgées semblent encore moins informées que le reste de la population.
Y a-t-il une raison à cela ?

 Les personnes âgées ignorent en fait un peu moins les directives anticipées, mais elles y sont plus réticentes.
Lorsqu’on s’approche du sujet, on souhaite davantage faire confiance au personnel soignant et à ses proches. Indiquer par avance ce qui est bon ou mauvais pour soi est très difficile. Si je me demande si j’accepterai ou non une trachéotomie ou une gastrostomie, je ne serai pas en mesure de répondre tant que je ne serai pas en situation de maladie.
Nous voulons privilégier, en ce qui nous concerne, des directives qui donnent certes des indications. Elles sont toujours précieuses pour les médecins et pour les proches, surtout dans le cas où on est dans l’incapacité de s’exprimer. Mais des directives qui laissent la place à ce dialogue entre le soignant et le soigné ou les proches, ou la personne de confiance désignée.
Ainsi, cette déontologie médicale qui vise à prendre soin de la personne en respectant toujours sa vie, en luttant contre toutes douleurs et toutes souffrances peut être respectée par l’équipe médicale.

L’élection d’Emmanuel Macron va sans doute entraîner beaucoup de demandes, notamment de la part des partisans de l’euthanasie.
Est-ce qu’Alliance VITA est prête à mener ce combat-là ?
Craignez-vous, durant ce quinquennat, qu’un tel projet de loi apparaisse ?

Nous sommes très vigilants.
Nous sommes très vigilants d’abord parce que nous observons de fortes pressions dans ce sens. Le ministre de la Santé a eu des propos contradictoires, montrant une certaine prudence récemment.
Nous sommes également vigilants sur l’application de la récente loi Claeys-Leonetti dans la mesure où elle prévoit un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Nous savons que cela peut être un cheval de Troie de l’euthanasie si elle est mal utilisée, c’est-à-dire selon des modalités telles que l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation qui aurait pour objectif de provoquer la mort. Cela ne devrait normalement pas être le cas d’une sédation. Elle est très encadrée, elle reste exceptionnelle, car cela enlève toute liberté d’être endormi.
Nous sommes déjà vigilants sur l’application de la loi actuelle et nous le serions, bien sûr, plus encore si le gouvernement s’apprêtait à franchir la ligne rouge que constitue l’interdiction de tuer. Cela est fondateur de la confiance entre soignants et soignés.
Nous sommes déjà mobilisés, mais dans ce cas nous irions très loin dans notre résistance dans la mesure où cela casserait tout l’équilibre du système de santé français avec un rythme de sédations observé en Belgique ou en Hollande. À partir d’un cas limite savamment orchestré, on arrive dans ces pays à des euthanasies beaucoup plus répandues, allant jusqu’à l’euthanasie de personnes dépressives, ce qui est quand même extraordinairement scandaleux.

 

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