Macron1 & Philippe 2: la communication pour vision politique! (Vidéo)

A moins d’être dans l’intimité du nouveau Président, la meilleure façon pour deviner les intentions de celui-ci consiste à décoder les faits et gestes de son gouvernement. N’oublions jamais qu’en politique, ceux-ci sont bien plus révélateurs que les discours. Cela s’avère d’ailleurs d’autant plus vrai lors des tous premiers jours d’un gouvernement, période dont on sait combien elle préfigure le bilan de celui-ci. Une équipe ambitieuse et courageuse imprimera dès le début son rythme de transformation du pays. A l’inverse, un gouvernement indécis ou sans véritable programme ne fera rien de particulier pendant cette période pourtant déterminante…

Une semaine vient de s’écouler pour le tout nouveau gouvernement Macron-Philippe II. Que nous révèle-t-elle concrètement ? Elle nous révèle :

-une hyper centralisation du pouvoir présidentiel

-des postures de pure communication visant à assurer une image positive

-des propositions d’envergure mais à l’attention de nos voisins

-quelques réformes économiques qui ne sont en réalité que des artifices

 

Un président omnipotent

En soi, le contrôle de l’ensemble des ministères par la garde rapprochée du président n’est pas une mesure de nature à décupler la croissance, à diminuer le chômage et la pauvreté. Néanmoins, on peut toujours espérer qu’elle contribue à donner les coudées franches à l’exécutif, à la condition bien sûr que celui-ci ambitionne de réformer notre économie de fond en comble. De telles réformes étant devenues urgentes, on ne pourrait que se réjouir de cette mainmise élyséenne, si justement ces dites réformes étaient effectivement annoncées. Or, il n’en est rien, et la lecture des évènements de la semaine nous laisse considérablement sur notre faim.

Par conséquent, ce renforcement du pouvoir présidentiel ne s’opère-t-il pas pour le simple bénéfice de l’intéressé ? N’est-il pas à rapprocher de ce besoin qu’a éprouvé E.Macron de choisir lui-même le photographe (un proche de son épouse), la position des ministres (lui-même et son premier ministre au milieu et non pas au premier rang) et le lieu pour la photo officielle du nouveau gouvernement (22/06/17) ? Est-ce vraiment la fonction du président que de s’occuper de tout ? N’est-ce pas plutôt la preuve de l’incapacité à déléguer qui caractérise en général les managers inexpérimentés ?

La communication comme vision politique

Surfant sur la dynamique qui est la sienne, jouant sur la confusion créée autour de la « société civile », E.Macron ne s’est pas privé cette semaine d’emprunter des termes au monde de l’entreprise. Il considère ses ministres comme des « managers », et évoque les méthodes de « team building » en ce qui concerne le séminaire gouvernemental à venir (Figaro 22/06/17). Hélas, ces anglicismes feront peut-être rêver les personnes âgées ou la « France périphérique » mais certainement pas ceux qui travaillent dans des grands groupes ou des PME dynamiques. Pour ces derniers, il y a longtemps que ce jargon est devenu au mieux banal, au pire synonyme d’artifices derrière lesquels bien souvent s’abritent un management déficient. Ce n’est pas tellement de « team building » dont la France a un besoin de toute urgence, mais de réformes économiques ! Lorsqu’une usine est en feu, faut-il commencer par former les pompiers de la caserne concernée à bien collaborer ensemble ?

En réalité, tout cela n’est que de la communication et du marketing parfaitement « chartés », en cohérence astucieuse avec l’image de E.Macron, cette image de dynamisme et de renouveau sur laquelle le candidat a capitalisé sans limite pendant la campagne. Mais à vouloir singer des pratiques managériales qui sont passées de mode, E.Macron nous rappelle combien il est un énarque, un ancien inspecteur des finances, et un ancien du gouvernement Hollande ! Quelqu’un à des années-lumière des méthodes utilisées actuellement par les entreprises les plus agiles et les plus efficaces…

Idem pour cette fameuse photo du gouvernement, qui symboliquement, redistribue le pouvoir de façon horizontale parmi les ministres. Il s’agit d’une technique archi-connue dans les entreprises. Sauf qu’une « photo de famille » qui brise les codes (dixit Europe 1, 22/06/17) ne remplacera jamais un aplanissement des circuits de décision et un « renversement de la pyramide ». Il y a longtemps que les entreprises sont passées à l’acte dans ce domaine, et ne se satisfont plus d’une astuce de « premier communiquant ».

Il en est de même lorsque B. Le Maire déclare (Figaro, 22/06/17) que l’industrie française peut rattraper l’Allemagne grâce au numérique. Faire croire de telles choses est tout de même crapuleux car :

-la France (pourtant à l’origine du révolutionnaire Minitel) est quasiment absente de la plupart des secteurs de la nouvelle économie

-la révolution numérique a commencé dans les années 80. C’est un peu tard maintenant pour y songer

-le numérique, c’est quelque part la dématérialisation par opposition à l’industrie faite d’usines et de machines de plus en plus robotisées. Envisager la ré-industrialisation de notre pays par le biais de l’immatériel est plus que douteux…

En réalité, de tels propos ne sont pas sérieux car ils ne sont pas réfléchis. Il trahissent encore une fois le soucis de plaire, en se payant de mots pour valoriser un gouvernement qui n’a pas réellement d’ambitions. Si celui-ci avait un vrai projet industriel, il ne s’abriterait pas derrière de tels poncifs éculés. Il évoquerait plutôt les problématiques de R/D, l’Université, le capital risque, le droit du travail, la réforme syndicale, la baisse des charges, etc… Il est triste de voir que ce gouvernement qui n’a qu’une semaine d’existence fait déjà penser à un gouvernement de communicants !

Des propositions audacieuses mais pour nos voisins

Lorsque B.LeMaire déclare en matière de fiscalité : « nous voulons avancer très vite sur les convergences de l’Allemagne et de la France… » (Figaro, 22/06/17), il ne parle pas des efforts que devra consentir en premier lieu le gouvernement français. En effet, la pression fiscale allemande étant nettement inférieure à celle de l’hexagone, on se doute très vite que ce genre de proposition n’est pas crédible, ou ne portera que sur des détails anecdotiques. Un gouvernement conscient de ses propres handicaps commencerait par évoquer un plan drastique d’économies sur son propre fonctionnement avant de vouloir mouiller un pays voisin qui, rappelons-le, entretient deux fois moins de fonctionnaires, impose nettement moins ses entreprises et ses citoyens, pour des prestations de services publics qui supportent largement la comparaison (et un taux de chômage à faire rêver).

Lors du sommet européen vendredi dernier, la proposition faite par E.Macron (et refusée par plusieurs pays) consistant à limiter les acquisitions d’entreprises européennes par la Chine, était typiquement de la même nature. Il s’agissait ni plus ni moins de faire porter les efforts à autrui afin d’éviter de payer le coût d’une mauvaise compétitivité économique française et d’entreprendre les réformes douloureuses pour y remédier. Au passage, cette mesure en dit long sur le soit disant libéralisme du président, et sur son penchant interventionniste dés lors qu’il s’agit de capital (son ancien métier)…

Des réformes qui n’en sont surtout pas

Il faut relire ce qu’a déclaré hier E.Philippe concernant le déficit : « on regardera s’il faut jouer, d’ici la fin de 2017, sur une réduction de dépenses et à quel niveau » (Ouest France 23/06/17). Comme s’il n’était pas sûr de l’urgence d’économiser illico sur le train de vie de l’Etat, E.Philippe attend le résultat d’un audit sur la situation laissée par le gouvernement précédent ! Cet aveu du premier ministre est lourd de sens. Il est clair que le gouvernement Macron ne considère pas le poids de la dette et le poids de l’Etat comme un problème majeur ! Par conséquent, les objectifs qu’il va s’assigner seront du domaine de la cosmétique.

Cet irréalisme se retrouve exactement dans les propos tenus avant-hier par le ministre de l’économie B.LeMaire (Figaro, 22/06/17) lorsqu’il explique que « les charges sont trop élevées » et que « la hausse de la CSG va aider à financer cette baisse des charges » (sic). Financer la réduction des charges par la hausse d’une taxe est typiquement le degré zéro de la réforme fiscale. Il ne s’agit que d’un artifice budgétaire, une sorte de jeu d’écriture à somme nulle, l’Etat (socialiste en l’occurrence) n’envisageant clairement pas d’économiser sur son niveau de vie ! La décision de vendre les participations de celui-ci, que confirme B.LeMaire dans cette même interview, est d’ailleurs la signature typique des gouvernements velléitaires. Ne se sentant pas le courage de tailler dans le train de vie de l‘Etat, train de vie dont on connaît pourtant les débordements, le gouvernement se rabat sur la vente de ce que l’on appelle communément les « bijoux de famille ».

Hyper centralisation du pouvoir présidentiel, abus des techniques du marketing, un certain courage pour suggérer des mesures chez nos voisins européens mais aucun pour planifier la moindre réforme pénible intra-muros, tels sont les enseignements de cette première semaine du gouvernement Macron-Philippe II, semaine dont on peut toujours espérer qu’elle ne sera pas aussi représentative de ce qui va suivre qu’elle  n’est généralement censée l’être. En attendant, hélas, force est de constater que ce que trame ce gouvernement (et surtout, ce qu’il ne trame pas) ressemble tristement à ce que préparait le gouvernement socialiste précédent;

Source

Related Articles