L ‘avocat Thibault de Montbrial, spécialiste des questions de terrorisme, publie “Le sursaut ou le chaos”. Sans langue de bois.
Pensez-vous que les attentats de janvier ont mis à jour un certain communautarisme ?
Non le phénomène est perceptible depuis des années. Après les attentats, il y a d’ailleurs eu un début de la libéralisation de la parole mais, très vite, la chape de plomb s’est repositionnée.
Pourquoi ?
On peut penser que les acteurs du débat n’ont pas réellement compris ce qui se passait. Ou alors ils ont peur de le dire. Mais c’est une erreur. On ne peut plus garder la tête dans le sac. Car c’est cette situation de non-dit qui crée un climat anxiogène.
Est-ce à dire que la situation actuelle résulte d’un communautarisme qui ne dit pas son nom ?
Absolument, même si on ne peut minorer la situation internationale avec une poussée depuis des années de l’islam radical sunnite. Et que le phénomène s’est amplifié avec la guerre en Syrie et le départ des occidentaux pour faire le jihad.
Le ministère de l’Intérieur évoque 1 750 jihadistes français. Ce chiffre est-il sous estimé ?
Ce chiffre n’évoque que les gens identifiés. Le chiffre noir est certainement plus élevé. Sans compter ceux qui sont susceptibles de se rallier à la cause.
Peut-on réellement lutter contre ces jeunes qui partent faire le jihad ?
C’est une vraie question, comme doit-on vraiment lutter contre ces départs ? Pour les mineurs ? Oui sachant qu’ils ne mesurent pas la portée de leurs actes. Mais si des jeunes de 25 ans veulent aller se faire tuer au Moyen-Orient, c’est leur problème. Après, il y a la question du retour et d’une certaine dangerosité, qui est réelle. Nous ne sommes pas à l’abri d’actions spectaculaires, d’attentats coordonnées sur notre territoire.
Mais ne brossez-vous pas une situation un peu trop alarmiste ?
La situation est beaucoup plus préoccupante que ce que veulent bien dire nos politiques et le monde associatif. On est au bord de très grandes violences et de violences de masse, avec en 2015 une partie, certes minoritaire, de la jeunesse de France, qui fait la guerre à son propre pays. Et ce dans un cadre mondial. On refuse de voir la réalité. Être confronté à un ennemi de l’intérieur avec des gens entraînés et armés qui veulent notre destruction, est quelque chose de nouveau.
Notre pays a toujours œuvré pour l’intégration. Comment expliquez-vous cet échec ?
Cela résulte d’une quarantaine d’années de petites et grandes lâchetés, de renoncement de la classe politique, qui ont conduit à un véritable éclatement communautariste de notre tissu social. Nous avons cédé à une forme de culpabilité de notre histoire, de notre société et à la peur d’être taxé d’islamophobe. Ce sont ces renoncements qui ont permis la fertilisation des idées de l’islam radical. Il faut donc le voir, le comprendre, le dénoncer pour trouver des solutions. Car c’est en sachant qui nous sommes que nous serons capables d’intégrer ceux qui viennent de l’extérieur.
Nous sommes donc en guerre…
Oui dans la mesure où le concept de guerre n’a cessé d’évoluer, avec la guérilla, et autres guerres asymétriques. On serait fou de ne pas le voir avec les déclarations va t’en guerre et assumées de l’État islamique, qui a proclamé un califat. D’autant que nous sommes engagés au Mali, et au Moyen-Orient. Comme nous ne pouvons ignorer leur activisme sur internet pour inciter à tuer les mauvais croyants et autres mécréants sur leur sol. Il y a une cohérence idéologique et stratégique à lier les deux. Car plus on est occupé à mobiliser nos forces de l’ordre, à sécuriser notre territoire, moins on enverra d’hommes sur les théâtres extérieurs.
“Le sursaut ou le chaos”, collection Tribune Libre, éditions Plon. 14,90 €.