Zénobie, la reine de l’Orient de Jacqueline Dauxois

“Zénobie” : un roman oriental…

 

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 Encore une fois Jacqueline Dauxois nous enchante, peignant le destin de Zénobie, celle que ses contemporains appelèrent « la reine de l’Orient ». Elle eut un règne inégalé, car jamais une femme n’avait fondé un empire. Jacqueline Dauxois, dont on se rappelle La Grand Pâques russe (Rocher), Alexandra en collaboration avec Vladimir Volkoff (Albin Michel) ou encore Eve (Presses de la Renaissance), pour lesquels elle nous avait gentiment accordé des entretiens, est l’auteur de plus de trente ouvrages. Elle signe avec sa Zénobie un roman épique et flamboyant et nous entraîne dans une histoire étonnante.

— Quelles ont été vos sources pour écrire cette biographie ?

— Le texte authentique figure chez Victor Duruy, un des spécialistes de l’antiquité romaine. Il n’est pas étonnant de retrouver des paroles proches de celles prononcées par Zénobie dès le deuxième siècle après J.C.

— Entre fiction et réalité, qui fut réellement Zénobie ?

— Zénobie fut réellement celle que j’ai dépeinte car, si l’écriture ne consiste pas à dévoiler la vérité d’un personnage dont nous n’avons que des fragments, alors écrire ne sert à rien. Les ordinateurs 3D parviennent à reconstituer une statue sublime retrouvée au fond des océans amputée d’une jambe ou d’un bras. Les archéologues restituent les forums romains à partir des ruines. Un écrivain fait tout ce travail depuis bien longtemps et sans ordinateur dans la tête. Il suffit de connaître les racines d’un personnage, elles sont forcément vraies ! Nous savons de source sûre que Zénobie a été veuve, qu’elle s’est battue toute seule contre l’Empire romain et qu’elle a conquis l’Egypte et l’Asie Mineure. Elle ne peut être que magnifique !

— Mais justement, vous la rendez tellement humaine et altruiste…

— Parce qu’elle était comme ça ! Nous sommes au deuxième siècle après J.C., elle est femme, elle se bat contre l’Empire romain, contre ceux qui obligent son pays aux persécutions de chrétiens et de manichéens pour remplir les cirques. Elle est extrêmement proche des manichéens et des chrétiens, je n’invente rien car tout cela est attesté. Elle règne toute seule pendant six ans, elle s’oppose donc aux lois de Rome. La plus grande tare de l’Empire romain, excepté l’esclavage, est constituée par les jeux du cirque obligeant des gens qui refusent d’adorer César à se battre jusqu’à la mort pour amuser la population. César déclare être un Dieu, donc les lois obligent tout citoyen romain à le vénérer. Zénobie appartient à une famille romanisée puisque la Syrie est territoire romain, mais elle va refuser ce modèle romain.

— Zénobie, reine de Palmyre, interdit l’oppression religieuse sous son règne. Quelles furent ses croyances ?

— Il n’y a jamais eu de persécutions sous son règne. Je connais même un historien contemporain qui affirme que, si elle avait vécu un peu plus longtemps, elle se serait convertie au christianisme.

Elle a été certainement attirée par Mani, le manichéisme qui oppose le bien et le mal, l’obscurité et la lumière et dont on peut affirmer qu’il est à l’origine de la gnose dont les Cathares, dans leurs excès, ont été les derniers représentants, prônant l’abstinence absolue. Comme elle avait trois enfants, on peut supposer qu’elle se sentait plus proche des chrétiens.

— La mort de Zénobie fait l’objet de versions contradictoires, pour certains elle aurait été décapitée conformément à la règle romaine, selon d’autres elle serait morte de maladie ou se serait laissé dépérir sur le bateau qui l’emmenait à Rome. Pour d’autres encore elle aurait été graciée, installée à Tivoli dans une retraite dorée et remariée à un sénateur. Pour vous elle s’empoisonne. Pourquoi avez-vous choisi cette version des faits ?

— Pour moi, elle a vécu tant qu’elle a espéré pouvoir reconquérir son trône, moins d’ailleurs pour elle que pour ses enfants. Il n’est pas dans la logique impériale romaine de tuer les souverains captifs…

— Vercingétorix a quand même été exécuté…

— C’est une exception. La guerre contre Zénobie n’avait rien à voir avec celle menée contre Vercingétorix. L’empire de Zénobie était éloigné et Rome se sentait moins menacée.

— En Syrie, Zénobie est-elle vénérée au titre d’héroïne ?

— Pas du tout ! Rome avait pour devise : « Malheur aux vaincus ». Chaque fois que les Romains ont voulu effacer un personnage de l’histoire, ils y sont parvenus. Une impératrice romaine, c’est la femme de l’empereur !

Les Romains ont dénaturé Cléopâtre. Palmyre a été rasée et Zénobie, aujourd’hui, n’est pas très connue en Syrie. Le régime actuel, qui voile les femmes et les enferme, ne peut pas ériger en héroïne une femme qui défendit la liberté d’être une femme. Zénobie gouvernait, nommait ses généraux. Elle était le nouvel Alexandre.

— Il reste très peu de représentations de Zénobie…

— Très peu car, comme à leur habitude, les Romains ont tout martelé. Aurélien écrivit à son sujet : « Ceux qui disent que je n’ai vaincu qu’une femme ne savent pas quelle femme elle était, à quel point elle se montrait rapide dans ses décisions, persévérante dans ses projets et énergique face aux soldats. »

— On sait tout de même comment elle était physiquement ?

— Oui. Le monde antique s’accorde à dire qu’elle était plus belle que Cléopâtre, elle était petite, menue et elle avait la réputation d’être une femme de grande intelligence. On ne connaît de son visage que des effigies à l’avers des monnaies. Il s’agit du portrait d’une femme mi-grecque, mi-arabe, qui a bénéficié d’une éducation digne d’un noble romain. On dit également d’elle qu’elle se comportait « comme un homme », montant à cheval, chassant avec ses officiers et s’entourant de poètes et de philosophes. Il y a aujourd’hui un désir de ravaler tout ce qui est génial au niveau ordinaire, moi j’aime que Zénobie me dépasse en tout, j’aime qu’Alexandre soit allé jusqu’aux Indes… Les chefs-d’œuvre produits par l’Antiquité sont d’une beauté à couper le souffle. Je n’ai pas envie que ces gens d’exception soient rabaissés à Monsieur Tout-le-monde.

Propos recueillis par Catherine Robinson

• Zénobie de Jacqueline Dauxois, éd. Pygmalion. 19,90 euros.

Lu dans Présent

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