Le journal d’une femme de chambre de Benoit Jacquot

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Il fallait oser. Célèbre roman d’Octave Mirbeau, «Le Journal d’une femme de chambre» a déjà été porté à l’écran par deux illustres metteurs en scène, Jean Renoir et Luis Buñuel, pour deux versions plus ou moins fidèles à l’œuvre d’origine. Dans la peau de Célestine, la servante qui ose décrire la pourriture bourgeoise, Paulette Goddard et Jeanne Moreau ont imprimé durablement les rétines cinéphiles et le plus grand risque résidait dans une relecture trop sage et corsetée. Il n’en ait rien. En respectant presque à la lettre le roman original, Benoît Jacquot signe ici l’un de ses meilleurs films, offrant un rôle en (ours) or massif à Léa Seydoux, soubrette érotique en diable, mais jamais diablesse, qui subit l’érotisme qu’elle provoque plus qu’elle n’en profite. On connait le talent de portraitiste du réalisateur de «3 Coeurs», surtout quand il croque des jeunes femmes contraintes socialement – «La Fille seule», «Les Adieux à la reine».

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Ici, il parvient à érotiser le corps et le visage de Léa Seydoux sans jamais la mettre à nue. Ce n’est pas une révélation : la future James Bond Girl – elle est d’ailleurs excusée du Barnum médiatique berlinois pour cause de tournage – est la meilleure actrice de sa génération, une mécanique de précision qui excelle dans tous les registres, surtout qu’elle a trouvé en Benoît Jacquot un cinéaste qui n’exploite pas son corps mais la fièvre dans son regard, son princier port de tête, sa fébrilité, aussi, quand elle se mordille légèrement les lèvres.

Dans «Le Journal d’une femme de chambre», Benoit Jacquot dresse aussi le portrait d’une classe bourgeoise qui se mire dans l’argenterie et les privilèges. Le rapport est bien sûr faussé. Si Célestine préfère dire non à une future maîtresse inconséquente, elle est immédiatement renvoyée à son existence sociale : trop pauvre pour n’être autre chose qu’une prostituée officielle ou officieuse. C’est tout la modernité d’un film qui n’est jamais plus efficace que dans ses soubresauts narratifs. Et si le final est trop abrupt, prenant le spectateur par surprise, la limpidité de sa mise en scène et la force de son propos infusent lentement.

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