Tout est résumé sur l’état mental de notre pays dans cette petite histoire rapportée par L’Indépendant, le journal de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Lors d’une manifestation des gilets jaunes, le 1er décembre dernier, un homme tague sur les murs du palais de justice de Perpignan des injures à l’encontre d’Emmanuel Macron : « Macron décapitation » et « Mange tes morts ». Pas spécialement très intelligent, comme revendication politique, faut reconnaître.
Au passage, si l’on devait poursuivre tous les tagueurs de ce pays en prenant soin de faire le tri entre les (supposés) artistes de rue et les vandales, la police et la justice seraient vite débordées. Le gars est dénoncé : un truc qui a toujours bien marché dans nos contrées. C’est le côté rassurant : il y a toujours – enfin, presque toujours – quelqu’un au bon moment derrière les rideaux ou les persiennes. Bref, il est identifié, arrêté et, la semaine dernière, passé devant la justice en composition pénale. Une procédure qui évite le procès. Grande mansuétude de la justice envers ce Narbonnais trentenaire, « père de famille, sans casier judiciaire et en voie d’insertion », comme le précise le quotidien régional. Qu’est-ce, au juste, une composition pénale ? Rien à voir avec les compositions que l’on faisait au collège. Quoique, comme on le verra plus loin. Le procureur propose une peine que le mis en cause peut accepter ou pas. S’il refuse, évidemment, la justice suivra alors son long cours, plus ou moins tranquille.
Et là, quelle punition a été infligée à ce manant ? Tout d’abord effectuer un « stage de citoyenneté », un truc prévu par la loi qui vise à « l’apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen ». Ça, c’est pour le côté « République ». En Chine, ils doivent avoir les mêmes, mais en plus rugueux. Ensuite, le tagueur fou devra écrire une lettre d’excuses à Emmanuel Macron (une rédaction, une composition, si vous voulez). Ça, c’est pour le côté « Monarchie, injure au souverain, atteinte à sa majesté ». Le journal local ne précise pas s’il devra faire amende honorable, rédiger son épître pieds nus et en chemise et demander pardon sur les marches du palais de justice devant la ville rassemblée au tocsin, en présence des corps constitués enrubannés sur une estrade. Cela aurait de la gueule. Rappelons que sous l’Ancien Régime, les ancêtres de nos magistrats en hermine prenaient un malin plaisir à dérouler le menu des réjouissances prévus pour les régicides. Lisez ou relisez la description du supplice de ce pauvre Robert-François Damiens qui avait attenté à la vie de Louis XV avec un canif : cela fait froid dans le dos.
Maintenant, une question : qu’écrire, dans cette lettre ? Jusqu’à quel niveau d’humiliation devra s’astreindre le malandrin ? Et si l’on ne sent pas la contrition suffisamment sincère, devra-t-il la recommencer ? Combien de fois ? Et des lignes comme à l’école, en cent exemplaires, voire plus, c’est possible ? Je ne dirai plus jamais à Emmanuel Macron « Mange tes morts ». Quelles formules employer ? Ni trop ci, ni trop ça. Compliqué. Par exemple, un truc du genre « Prosterné au pied de votre majesté, je la prie et la supplie, avec toute l’humilité possible, de daigner me pardonner mes offenses » ne serait pas too much ? Toutes ces questions méritent d’être posées sérieusement. Une idée, pour finir : et si on lançait un concours de lettres d’excuses à Emmanuel Macron. On primerait la plus obséquieuse, la plus émouvante, la plus drôle…