C’est la course patrimoniale ! Et, disons-le tout haut, elle devient un petit peu ridicule. Un coup le café, un coup le repas des Français, un coup la baguette de tradition française ou l’art du pizzaiolo. Et demain, pourquoi ne pas classer le guide Michelin à l’Unesco ou la troisième étoile de Paul Bocuse ? Bref, l’époque est au classement. Certains protègent, certains exposent, tous ont vocation à valoriser. Et le couscous dans l’histoire ? Bah lui aussi, il veut sa protection par l’Unesco.Cette spécialité culinaire d’Afrique du Nord, dont l’Algérie, le Maroc et la Tunisie revendiquent chacun la paternité, pourrait donc être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Les trois pays, par la voix d’experts, ont constitué un projet commun qui puisse rendre intouchable cette recette. Tant pis si les trois pays revendiquent la paternité de ce plat (d’autres disent même que le couscous est d’origine… française), là, les hauts intérêts de la gastro-politique ont réuni les trois peuples. Les origines du couscous remonteraient à l’Antiquité. Les Français, eux, auraient commencé à goûter le couscous au début du XXe siècle, à l’arrivée des premiers immigrés algériens, puis des pieds-noirs à l’occasion de l’Indépendance de l’Algérie en 1962.
Le repas gastronomique des Français n’est pas le seul héritage culinaire inscrit à l’Unesco. La cuisine traditionnelle mexicaine l’a été en 2010, au même moment que l’art du pain d’épices en Croatie du Nord. La nourriture japonaise, et plus précisément la “washoku” qui désigne les traditions culinaires nippones, a dû attendre 2013. La fameuse diète méditerranéenne, le café turc ou encore la pêche aux crevettes à cheval en Belgique bénéficient aussi d’une protection de la part de l’Organisation des Nations Unies. En 2015, c’était au tour du café arabe d’être ajouté, en raison de son “symbole de générosité”. Plus récemment, l’art du pizzaiolo napolitain est entré dans la liste. Demain, ce sera peut-être la baguette de tradition française. Et si, après-demain, un hurluberlu décalé créait un “classement” prônant la liberté des plats et recettes à vivre, à évoluer avec leur temps et non pas un “truc” qui sclérose, un “machin” qui politise tout pour patrimonialiser la bouffe ?