El Presidente renvoie par son titre au personnage principal de ce drame politique, un président de la République d’Argentine fictif, Hernan Blanco. Le titre original en espagnol est La Cordillera, soit la Cordillère des Andes, où se déroule l’essentiel de l’action. Un sommet des pays latino-américains se tient dans un grand hôtel isolé des montagnes chiliennes. Il est question, sur l’initiative du président brésilien, de mettre sur place une forme d’OPEP-bis des pays latino-américains, cartellisant les productions d’hydrocarbure de la zone. Un tel cartel permettrait à l’Amérique Latine unie de peser sur les marchés mondiaux, et de tenir tête aux Etats-Unis, rêve historique. Les Etats-Unis intriguent donc en coulisse pour faire échouer ce projet. Ils sont prêts à tout, des pressions politiques, écrasantes sur le Mexique voisin, à la corruption pure et simple des dirigeants de tous les pays, en passant par des observations géopolitiques soutenables : l’Amérique du Sud préfèrerait-elle vraiment une tutelle proche brésilienne à une lointaine des Etats-Unis ?
Ce scénario est totalement fictif. Ainsi, les dirigeants des Etats latino-américains du sommet ne reflètent nullement, par leurs personnalités ou leurs discours politiques les dirigeants actuels. Par exemple, un terne dirigeant vénézuélien, secrètement pro-états-unien, dans le film, remplace le néocommuniste Maduro qui aurait tenu des discours marxistes anti-impérialistes flamboyants. Pour le coup, les confrontations sont plus calmes formellement, même si elles sont bien présentes. C’est heureux pour l’intérêt du spectateur. Mais l’ensemble du propos géopolitique du film, à l’échelle continentale et sur le temps long, s’avère relativement crédible.
El Presidente Blanco doit donc représenter dignement l’Argentine et sa position à ce sommet. L’Argentine soutient la position brésilienne. Mais, pour une question évidente de fierté nationale, il doit s’aligner sur Brasilia sans sembler soumis pour autant, ce qui n’est pas si évident. En outre, il est frappé à travers sa fille et son ex-gendre dans un scandale de corruption, touchant le financement occulte de campagnes électorales provinciales vieilles d’une décennie. Son équipe a pour consigne de faire le maximum de bruit sur le sommet, afin de couvrir tout éclatement possible du scandale dans les médias argentins. La fille du président, très perturbée, est rapatriée d’urgence auprès de son père, et donc est amenée au fameux sommet. Outre un motif d’affection paternelle, El Presidente tient absolument à la surveiller de près, pour éviter tout comportement erratique de sa part, ce qui serait très dangereux politiquement pour lui. Il en oublie pratiquement sa maîtresse, du voyage aussi, ce qui fait que le film ne souffre que d’une brève scène peu décente.
El Presidente propose une intrigue à plusieurs niveaux, reliés entre eux. Il n’est guère flatteur pour les dirigeants des Etats latino-américains. La charge est peut-être excessive, mais pas absurde. L’acteur argentin Ricardo Darin propose une interprétation remarquable de ce président Blanco. Le film distrait efficacement, voire passionne, le spectateur.