Fils spirituel de Gandhi mais profondément catholique, Lanza del Vasto* est connu du grand public comme l’apôtre de la non-violence. Son enseignement spirituel demeure encore largement à découvrir. C’est ce que contribuent à faire les éditions Desclée de Brouwer en publiant simultanément deux titres majeurs : Commentaire de l’Évangile et Approches de la vie intérieure. Ce dernier ouvrage doit incontestablement figurer parmi les grands titres de la spiritualité catholique contemporaine. Fin connaisseur des blessures et faiblesses de l’homme de son temps, Lanza del Vasto va puiser au plus profond de la Tradition pour permettre à chacun de retrouver l’unité et la paix intérieure. Nous sommes bien loin des ouvrages éthérés, c’est à une conversion concrète, à des habitudes et dispositions quotidiennes que Lanza del Vasto nous invite.
Unité et simplicité
« Le motif dominant de cet enseignement, c’est l’unité de vie. » Le cadre est clairement fixé. Pourquoi donner tant d’importance à l’unité ? Parce que nos sociétés modernes sont celles de la dispersion, de la fragmentation, de la multiplication du superficiel … et donc de l’oubli de l’essentiel. Lanza del Vasto veut transformer l’homme inauthentique, celui qu’il nomme « le personnage » : « Ce qui anime et travaille le personnage et le fait gesticuler à travers le monde, c’est ce vide qui en bon latin s’appelle vanité (…) Et ce vide donne aussi une angoisse sourde. Le personnage, le pauvre ! au fond de lui-même, sait très bien qu’il n’est rien. C’est bien pourquoi il ne va jamais au fond de lui-même. Il s’en garde, et c’est une des grandes œuvres du personnage, et des personnages entre eux, que de se distraire ».
La distraction pascalienne … rien de nouveau sous le ciel ! Lanza del Vasto répète page après page que le secret du bonheur véritable est l’oubli de soi dans les bras de Dieu. La tranquille simplicité des enfants de Dieu. N’est-ce pas un message qui parle à tous, tiraillés que nous sommes par nos vaines ambitions, le stress qui nous écrase, l’urgence permanente que nous acceptons sans réelle résistance ?
Un maître pour des temps incertains
« Je vous le dis, celui qui sait faire cela en tout temps : garder envers et contre tous droiture et bienveillance, celui-là est un saint, un enfant pour l’éternité. » Cet idéal n’est pas atteignable en un jour ni même en cent, mais il faut se mettre en marche. Et pour cela savoir qui l’on sert, non plus de disperser mais concentrer toute notre vie vers l’Essentiel. « Il est écrit : “Tu ne serviras pas deux maîtres, on ne peut servir Dieu et Mammon”. Quand nous nous examinons vraiment, nous observons avec un certain trouble que ce ne sont pas deux maîtres que nous adorons et servons, mais que ce sont trois, quatre, cinq, six, sept choses, sept personnes, sept personnages. »
Un superbe chapitre des Approches de la vie intérieure est consacré à la hâte et Lanza del Vasto est très clair : « Méfiez-vous de la hâte, échappez-lui, combattez-là, car c’est un des grands destructeurs de la vie intérieure (…) Sachons que la hâte (…) est tout autant qu’un autre vice, une manière de gâter sa vie et de perdre son âme. De propos délibéré, ralentissons nos gestes et nos pas, le débit de nos paroles et le cours de nos pensées ». Le poète Claude-Henri Roquet a déclaré : « La rencontre de Lanza del Vasto est l’une des grâces majeures de ma vie ». Cette rencontre vous est désormais ouverte…
*Issu d’une famille aristocratique du sud de l’Italie, le jeune homme étudie à Paris, puis à Florence et à Pise où il soutient en 1928 une thèse de doctorat en philosophie. Porté par un immense appétit intellectuel, mais aussi par un intense goût de vivre, il hésite entre une carrière universitaire et une vie d’artiste. Il fréquente les écrivains du temps, noue une amitié puissante avec Luc Dietrich, voyage en Italie, en Allemagne et en Grèce…
Mais bientôt le désir de « regarder le monde dans les yeux » le lance vers des horizons plus lointains. En Inde, qu’il traverse de Ceylan jusqu’à l’Himalaya, le poète philosophe se fait vagabond et pèlerin. Au centre de ce voyage, la rencontre décisive avec Gandhi, qui lui donne un nouveau nom : Shantidas, serviteur de paix. Toute sa vie, désormais, est marquée par la non-violence, non comme un simple idéal moral, mais comme un levier de transformation spirituelle et sociale.
De retour en France, Lanza publie en 1943 le Pèlerinage aux sources, qui relate son voyage et le rend célèbre. Il a le grand projet de fonder un « ordre gandhien d’Occident » d’inspiration chrétienne, ouvert à tout homme de bonne volonté. Mais les années de guerre l’obligent à patienter. En 1948, il fonde la Communauté de l’Arche, à laquelle il se dévouera pendant trente-trois ans, délivrant dans le monde entier un message de sagesse et de paix. Il meurt en Espagne, le 5 janvier 1981, dans sa quatre-vingtième année.